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LA POÉSIE DES CAMIONS

GENEVIÈVE BOUCHARD gbouchard@lesoleil.com

Avec un père qui a passé sa vie professionnelle chez Kenworth, Joëlle Desjardins Paquette a grandi dans l’univers du camionnage. Les gros moteurs, la boucane et les klaxons, elle connaît. Cet environnement s’est imposé tout naturellement comme toile de fond à son premier long métrage, Rodéo, road trip cinématographique porté par le délicat contexte d’un enlèvement parental.

Forte de six courts métrages lui ayant offert une diffusion dans des festivals internationaux, la scénariste et réalisatrice propose ici une incursion à la fois intimiste, crue et grandiose dans la relation entre un père camionneur et sa fille de neuf ans.

Leur lien fusionnel nourri de musique métal et de courses de poids lourds s’effrite un peu depuis la séparation houleuse des parents.

«Quand j’étais jeune, mon père m’amenait dans les rodéos de camions avec lui, raconte Joëlle Desjardins Paquette. Ma mère n’aimait pas vraiment ça y aller. Ç’a toujours été des moments pèrefille hyper privilégiés, il y avait cette joie familiale qui était dans mes souvenirs.»

Comme son personnage de Lily, campé par Lilou Roy-Lanouette, la cinéaste a été confrontée à la rupture de ses parents à un jeune âge. Elle précise que son histoire n’a pas été aussi «explosive» que celle dépeinte dans son film.

«Mais j’ai quand même vécu ce conflit de loyauté, quand l’enfant revient de chez son père et ne veut pas se montrer trop enthousiaste par rapport à ce qu’elle a fait avec lui pour ne pas décevoir sa mère. Et vice versa», indique-t-elle.

«J’avais envie de parler d’une petite fille qui se sent prise entre l’arbre et l’écorce et d’un papa qui sent qu’il est en train de perdre le lien avec son enfant», ajoute Joëlle Desjardins Paquette.

Maxime Le Flaguais incarne ce père aimant, bien intentionné, mais qui «n’est pas le champion des bonnes décisions», selon la réalisatrice.

Depuis longtemps, sa fille et lui rêvent de participer au Rodéo des Badlands en Alberta. Sur un coup de tête, il fera monter sa Lily dans son camion et il prendra la fuite vers l’Ouest.

Joëlle Desjardins Paquette relate avoir été «happée», en consultant des statistiques avec sa coscénariste Sarah Lévesque, par le haut pourcentage d’enlèvements commis par des membres de la famille immédiate. Les questions se sont bousculées.

«Qu’est-ce qui fait pencher la raison de quelqu’un comme ça jusqu’à se rendre à cet actelà? Quel est le moment pivot? Quand ce n’est pas prémédité et qu’on a le bras dans l’engrenage, qu’est-ce qui peut se passer, surtout entre le parent et l’enfant?» énumère-t-elle.

LE PETIT ET LE TRÈS GRAND

L’histoire du film Rodéo se déroule entre le très petit et le très grand, entre l’habitacle d’un camion et le panorama qui s’étale à l’extérieur.

«Je souhaitais qu’il y ait cette bulle, qu’on soit hyper près du père et de la fille, des petits détails, des non-dits. Parfois, ça se passe en silence, mais on entend tout», décrit la réalisatrice.

«Je ne voulais pas de plans moyens, reprend-elle. On allait être hyper serré dans le camion ou dans des plans tableaux, de paysages, où on peut décanter l’émotion ou continuer la réflexion sur la scène qui précède.»

Dans la route qui s’allonge sous les premières lueurs d’un lever de soleil, par exemple, la cinéaste évoque la beauté d’une quête loin d’être parfaite.

«C’est un idéal magnifié, mais qui au final est rempli de doutes. Il y a un vide qui est autant inquiétant que romantique», note celle qui a aussi revisité ses propres souvenirs de jeunesse pour dépeindre l’émerveillement de la petite Lily devant la frénésie et les lumières colorées d’un rassemblement de camionneurs.

«Il y avait des impressions d’enfance que je voulais valider, même quand j’étais en écriture. Je suis retournée au Rodéo du camion au Témiscamingue avec des appareils photo, dont un appareil argentique», indique la réalisatrice.

Avec ses yeux d’adulte, elle raconte avoir renoué avec le charme qu’elle avait connu enfant… «J’ai trouvé ça tout aussi magique, sinon plus poétique», confirme-t-elle.

De quoi inspirer à Joëlle Desjardins Paquette un parallèle avec ses personnages.

«Dans leur relation, ils sont imparfaits, mais il y a tellement de beauté, observe-t-elle. C’est la même chose avec les lieux qui ne sont pas toujours beaux, mais qui peuvent être magnifiés de poésie.

Je voulais flirter avec cette idée de la beauté à travers le dur, même le trash, parfois...»

Rodéo sera présenté au cinéma dès le 3 février.

ARTS ET SPECTACLES

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2023-01-28T08:00:00.0000000Z

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