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ÉCRIRE POUR SES PETITSENFANTS QU’IL NE VERRA JAMAIS

YVES BERGERAS ybergeras@ledroit.com Renseignements (et précommande): fondationsantegatineau.ca/albums

Terminologue de profession, auteur d’articles et de livres scientifiques, Jean Quirion n’avait jamais écrit la moindre ligne de fiction avant d’apprendre, en octobre 2022, qu’il était atteint d’un incurable cancer au cerveau.

Condamné à un horizon «de 3 mois à deux ans» par les pronostics médicaux, cet ex-prof de l’Université d’Ottawa a pris sa ‘retraite’ précipitée de l’enseignement, et, mettant à profit son congé d’invalidité, s’est mis à écrire «frénétiquement» une série de livres jeunesse destinée à ses petits-enfants.

Mais M. Quirion, à 59 ans, est loin d’être grand-père. Ses trois rejetons sont respectivement âgés de de 26, 27 et 29, et bien que chacun évoque parfois l’envie de devenir parent, le projet de descendance demeure encore vague ou lointain.

Quand l’auteur se met en scène – sous les traits de ce Grand-Papou «farceur et maladroit» – entouré de ses petits-enfants, il s’agit donc de ceux qu’il aurait tant désiré pouvoir connaître, bercer, aimer.

À l’approche de la soixantaine, «j’avais toute sorte de rêves et d’espoirs» brisés par le cancer, dont celui de se plonger dans l’écriture de fiction. Mais on plus grand regret, confie-t-il, c’était de ne pas pouvoir les asseoir sur ses genoux pour «leur raconter des histoires, comme je l’avais fait avec mes enfants».

Sa série, intitulée Les Zaventures des Petits-Zamours, est un peu devenue la «projection» fantasmatique de cette «vie de famille» soudée, intergénérationnelle qu’il désirait tant.

Une existence simple mais heureuse, bercée par les activités du quotidien et les balades en nature, qui sont pour lui autant de «petites touches de magie».

DES TOUTOUS ET DU MERVEILLEUX

«Je voulais leur raconter du merveilleux, imaginer des mondes avec eux, créer du bonheur.» Ses histoires relatent des tranches de vie familiales articulées autour de thèmes qui lui sont chers, lui qui «adore le vélo, la nature, et fêter les anniversaire». Dans le premier livre, «on joue à la cachette en famille, puis on va célébrer tous ensemble notre anniversaire de mariage en allant à la crèmerie», sa conjointe Lyne Marcil apparaissant sous les traits du personnage de Grand-Mimi. « Ce n’est pas trépidant mais [dans les Zaventures suivantes] il y aura des choses plus spectaculaires, beaucoup de facéties... et, évidemment, des toutous».

«Évidemment!» Car les toutous, chez les Quirion-Marcil, c’est sacré! Chacun des membres du clan a le sien, et les toutous constituent une véritable famille en peluche, extension de la famille en chair et en os, avise-t-il. Sorte de cadeau de fiançailles venu sceller leur relation, la peluche de M. Quirion, prénommée Rosalyne, lui a été offerte par sa blonde il y a des dizaine d’années. Le soir, quand il se glisse dans le lit, il est flanqué de ses deux ‘compagnes.’

Pas de soirée télé en famille vraiment réussie sans la visite des peluches – qui arrivent en même temps que les enfants et s’installent elles aussi sur le canapé familial. À Noël, ou lors de toute réunion claniques, personne n’oserait oublier d’apporter son toutou, ce serait un affront à la tradition, suggère Jean Quirion.

«Je me suis donné le défi d’inventer une histoire [dont] mes petitsenfants feraient partie.» Leurs personnages sont largement inspirés de ses trois enfants, dont ils reproduisent certains traits de personnalité. «Pour mes futurs petitsenfants, ce sera à la fois l’occasion de connaître leur grand-père, et de découvrir leurs parents tels qu’ils étaient quand ils étaient petits. Quand on est jeune, on a dû mal à imaginer que nos parents ont eux aussi été des enfants...»

THOM

Ces Zaventures destinées aux lecteurs de 3 à 7 ans sont illustrées par Thomas Blais-Leblanc, alias Thom, auteur des bandes dessinées VII, Casa Rodeo et Botanica Drama (éditions Pow Pow), et diplômé du baccalauréat en BD de l’ÉMI, à Gatineau.

La série se décline pour l’instant en six volumes, qui seront officiellement lancés en 2024 (au printemps, si tout va bien ; il reste encore trois albums à illustrer), mais son premier tome, Le plus grand cornet du monde, sera dévoilé ce week-end durant la 20e édition des Rendezvous de la BD de Gatineau (RVBDG).

Le président des RVBDG en personne, Sylvain Lemay, ami et excollègue de Jean Quirion, animera samedi 2 décembre (à 15h30) une rencontre avec l’auteur, qui se fait une joie de présenter au grandpublic ce projet dont tous les profits seront reversés à la lutte contre le cancer, via la Fondation santé Gatineau (sur le site de laquelle il sera possible de commander les albums).

FRÉNÉSIE

«On aurait dit que ces histoires étaient en moi. J’ai écrit ça frénétiquement [sur un carnet], pendant que je patientais dans les salles d’attente du Centre de cancérologie» de l’hôpital de Gatineau, se souvient l’auteur.

Les traitements de chimiothérapie et de radiothérapies (combinés ou successifs) ont été intenses durant 9 mois, et Jean Quirion doit repasser des IRM (Imagerie par résonance magnétique) à tous les trois mois, pour contrôler l’état de la tumeur.

Depuis son opération au cerveau, une fine cicatrice lui barre le lobe frontal. En dépit de facultés de concentration amoindries depuis cette craniotomie, Jean Quirion n’a jamais perdu sa joie de vivre, et se considère même «en rémission». Pas tout à fait, le corrige sa conjointe : «son état est stable, mais c’est un cancer de stade 4 : incurable». Stable et heureux. Fragilisé, mais épanoui. «Je me suis naturellement trouvé» en tant qu’auteur jeunesse», avoue-t-il, tout sourires.

PROJET COLLECTIF

«C’est comme une nouvelle peau que j’ai revêtue, en laissant tomber [l’enseignement]. Une mue. Durant toute la rédaction de ces albums jeunesse, j’avais la tête qui bouillonnait d’histoires et j’ai eu énormément de plaisir». C’est le bonheur d’écrire qui l’ai aidé à passer au travers de cette longue épreuve, témoigne-t-il.

Sa conjointe n’a jamais cessé de l’épauler. «La magnifique idée de se donner le luxe d’aller cherche un illustrateur» vient d’ailleurs d’elle, signale Jean Quirion — qui n’avait au départ envisagé ce projet d’auto-édition que sous l’angle du legs familial, mais ne lui entrevoyait pas de publication grand public.

C’était avant que ne s’en mêlent l’entourage du couple, et notamment « une cinquantaine de coéquipiers du soccer» qui, témoignant de leur solidarité, ont collectivement contribué à un généreux «cadeau de retraite» en injectant des fonds dans une oeuvre caritative laissé au choix de Jean Quirion.

Ce dernier a logiquement choisi l’axe de la cancérologie du CISSS de l’Outaouais, financé par la Fondation Santé Gatineau. L’argent a aussi servi à défrayer le cachet de l’illustrateur, Thom, approché par l’ex-collègue Sylvain Lemay, qui, en tant qu’auteur confirmé, a lui aussi «joué un rôle clef» et évité bien des écueils au projet, assure le couple.

VERSION AUDIO

En parallèle, a été créée une version audio de Le plus gros cornet du monde.

À l’endos de l’ouvrage, un code QR renvoie à une vidéo Youtube où l’on entend les voix de Elizabeth Saint et de son fils Elliot, fraîchement diplômé de l’école secondaire De La Salle, à Ottawa)en concentration Théâtre.

Le tandem a été assisté par Baris Bilgen aux bruitages et Julián Zapata, en tant que musicien.

ARTS ET SPECTACLES

fr-ca

2023-12-02T08:00:00.0000000Z

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