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Immigration francophone: une bataille gagnée, mais pas de victoire

SÉBASTIEN PIERR0Z CHRONIQUE Collaboration spéciale Sébastien Pierroz est journaliste et producteur pour la franchise d’actualité ONFR+ du Groupe Média TFO

Combiner francophonie et statistiques démographiques offre souvent des résultats décourageants. Dernier exemple en date, les données du dernier recensement publiées en août, qui avaient confirmé l’accentuation du déclin pour les francophones en contexte minoritaire, sur fond de vieillissement de la population.

Autant dire que dans ces conditions, l’annonce par le gouvernement fédéral de l’atteinte de l’objectif de 4,4% d’immigration francophone hors Québec constitue une excellente nouvelle. Depuis sa mise en place en 2003, la cible basée sur le nombre de résidents permanents d’expression française, restait une promesse lointaine pour laquelle les différents ministres de l’Immigration se contentaient de voeux pieux.

C’est probablement ce constat d’échec répété au fil des années qui a poussé le détenteur de ce portefeuille, Sean Fraser, à célébrer en grande pompe cette nouvelle : en 2022, les nouveaux arrivants francophones ont constitué 4,44% de l’immigration totale dans les neuf provinces à l’exception du Québec, et des trois territoires.

Non seulement, le ministre libéral avait choisi une école de langue française, à Sturgeon Falls dans le Nord ontarien pour dévoiler les chiffres, mais de plus, la publication des résultats de l’année précédente d’habitude réservés pour le Mois de la francophonie en mars, a été cette fois très rapide.

À éplucher les données d’un peu plus près, celles-ci sont tout aussi prometteuses pour l’Ontario. Selon les estimations, la province la plus populeuse du Canada devrait aussi atteindre pour la première fois sa cible de 5% décidée en 2012.

Bien que le chiffre spécifique ne soit pas encore public, l’Ontario a enregistré 5,06% de résidents permanents d’expression française de janvier à novembre 2022.

Cette réussite prend sa source directement dans le succès du programme Entrée Express. L’initiative lancée en 2015 par le gouvernement fédéral pour accélérer les démarches d’immigration d’un nouvel arrivant a porté ses fruits. En 2022, plus de la moitié des résidents permanents francophones acceptés en dehors du Québec avaient utilisé ce programme.

Le changement subtil de définition d’un immigrant francophone opéré en 2020 par Statistique Canada au moment des calculs a aussi offert une perspective plus large. Dorénavant, l’agence fédérale n’utilise plus seulement la première langue officielle parlée comme unité de mesure, mais plutôt la « connaissance du français », avec certaines conditions toutefois.

Ces bons points dissimulent aussi une réalité : les succès de l’immigration sont moins une collaboration enracinée de tous les paliers gouvernementaux, incluant les associations sur le terrain, que la volonté unique d’Ottawa. En matière d’immigration, le gouvernement fédéral continue d’avoir le gros bout du bâton. La moitié des provinces et territoires sélectionnent moins de 50% des immigrants sur le territoire. De son côté, l’Ontario ne peut choisir qu’entre 6% et 8% de ses immigrants.

Par ailleurs, le total de 4,44% d’immigration francophone reste trop peu. Il faudrait doubler, voire tripler les chiffres, insistent les experts toujours alarmistes. Sans quoi, les chances seront minces que ces nouveaux arrivants et surtout leurs descendants résistent au rouleau compresseur de l’assimilation.

Face au rouleau compresseur culturel américain anglophone et un taux de fécondité en baisse au Canada, une politique d’immigration forte s’impose. Ce n’est certes pas une solution miraculeuse pour assurer la pérennité de la langue française audelà du Québec. Mais elle reste l’un des rares leviers avec lesquels les élus peuvent combattre le déclin.

OPINIONS

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2023-01-28T08:00:00.0000000Z

2023-01-28T08:00:00.0000000Z

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