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Départ douloureux d’une centaine de cerveaux

MATHIEU BÉLANGER mabelanger@ledroit.com

Un fleuron gatinois de la haute technologie, Macadamian, vient de quitter ses bureaux de l’hôtel Chez Henri du 179, promenade du Portage.

Emids, la société mère qui a acquis l’entreprise en 2021, a décidé de concentrer ses opérations dans ses bureaux de la rue Preston, à Ottawa. Cela représente l’exode d’une centaine de cerveaux pour Gatineau, et d’autant de travailleurs avec de bons salaires qui désertent le centre-ville déjà mal en point.

L’entreprise informatique spécialisée dans le développement de solutions numériques, notamment dans le domaine de la santé, exportait ses produits partout dans le monde de son siège social du centre-ville de Gatineau depuis la fin des années 1990. Son fondateur, Frédéric Boulanger, a toujours tenu à cette présence en sol gatinois, jusqu’à la vente de son entreprise, il y a deux ans.

Pour le président de la Chambre de commerce de Gatineau (CCG), Stéphane Bisson, le départ de Macadamian vient en quelque sorte tourner le couteau dans la plaie et démontre que le centre-ville de Gatineau a de plus en plus de difficultés à jouer le jeu de la compétition avec Ottawa. Il devient urgent pour la Ville et la région, dit-il, de se doter d’une véritable vision en matière de développement économique.

«Le départ de Macadamian est une pure décision d’affaires, dit-il. Auparavant, le président de Macadamian était ici, avec un sentiment d’appartenance. Là, le siège social de l’entreprise [Emids] est ailleurs dans le monde [Franklin au Tennessee]. Pour eux, Gatineau ou Ottawa, ça ne fait pas de différence. Ils vont regarder les colonnes de chiffres. S’il y a plus d’avantages pour eux d’aller à Ottawa, c’est certain qu’ils vont y aller.»

La mairesse de Gatineau, France Bélisle, admet que le départ d’une entreprise pour laquelle s’est «obstiné pendant des années» son fondateur à la garder en territoire gatinois malgré les difficultés est une mauvaise nouvelle qui survient à un mauvais moment. «Alors qu’on doit reconstruire un tissu économique autre que le gouvernement fédéral dans notre centre-ville, de voir cette entreprise quitter, c’est préoccupant et ça s’ajoute à une situation qui l’est déjà», a-t-elle indiqué.

Pour les commerçants du centreville qui eux restent tant bien que mal en place, c’est un autre coup dur, admet M. Bisson. Un rapport réalisé par l’Observatoire de l’Outaouais (ODO) qui doit être dévoilé bientôt doit venir confirmer ce que bien des acteurs économiques savent déjà précise la CCG. La faible offre commerciale, le manque de diversité et le peu de services de proximité sont tous des éléments qui nuisent à la capacité du centre-ville à attirer des entreprises. L’étude offrira aussi un regard sur différents créneaux économiques potentiels pour la relance du centreville, ajoute Mme Bélisle.

APPEL À LA SENSIBILITÉ ÉCONOMIQUE

«La difficulté qu’on a dans le paysage politique actuellement à Gatineau c’est qu’il n’y a pas d’élus vraiment issus du milieu des affaires, note M. Bisson. À part gérer leur budget familial, ils n’ont pas eu à signer des chèques pour faire vivre une entreprise. On ne sent pas cette sensibilité de nos représentants politiques face aux enjeux du milieu des affaires. C’est triste. On a un président de la commission de développement économique [Edmond Leclerc] qui demande à ce que la hausse des taxes pour le milieu commercial soit de 4,4% plutôt que de 3,9%. De taxer les entrepreneurs c’est une chose, mais quel est le message que la Ville envoie quand ce même entrepreneur qui a un projet d’investissements de 20 millions de dollars arrive au département d’urbanisme et doit faire la file derrière trois citoyens qui sont là pour des permis de cabanons. On n’a pas de vision axée vers les entrepreneurs et tant qu’on ne l’aura pas, on va avoir de la difficulté à attirer des entreprises et des cerveaux vont continuer de s’exiler pour aller où les avantages seront plus intéressants.»

Le conseiller municipal du centreville, Steve Moran, se désole lui aussi du départ de Macadamian. Il dit particulièrement s’inquiéter pour ceux qui restent, les commerçants, dont plusieurs sont en «détresse» actuellement, dit-il à l’instar du président de la CCG. «Ils ont besoin de tout notre appui, de celui du public, et qu’on coordonne une vision économique cohérente et ambitieuse pour le centre-ville», ajoute-t-il.

L’HÔPITAL, LA CLÉ DE LA RELANCE

Quel est le plan? C’est la question que se pose M. Bisson, particulièrement depuis que le gouvernement Legault a abandonné l’idée d’une zone d’innovation en cybersécurité à Gatineau. Pour la quatrième ville du Québec, toujours très dépendante de la fonction publique fédérale, il s’agissait au fer de lance de la diversification économique tant attendue.

«Depuis que le gouvernement a tiré la plogue, il semble n’y avoir plus rien dans les cartons, se désole M. Bisson. On m’avait renvoyé au député Mathieu Lévesque qui m’avait dit d’être patient, que quelque chose s’en venait, mais on n’a jamais eu d’autres nouvelles. La vérité c’est qu’il n’y a rien d’autre. Les bottines de ce gouvernement ne suivent pas ses babines. C’est comme la reconnaissance du sousfinancement à l’Assemblée nationale; un coup d’éclat pour bien paraître, mais sans plus.»

Il y a pourtant des pistes de solutions pertinentes, insiste le président de la CCG. Il cite au passage la promesse d’un nouveau centre des congrès au centre-ville de Gatineau, et surtout la construction d’un nouvel hôpital de 600 lits que la grande majorité des intervenants régionaux souhaitent voir se réaliser au centre-ville. «On parle d’un équipement qui attirerait 6000 déplacements par jour et autour duquel se développerait une activité économique importante, note M. Bisson. Mais le gouvernement tergiverse encore. Il se demande s’il ne devrait pas plutôt refaire les erreurs du passé. Ce serait une bougie d’allumage. Le gouvernement doit faire preuve de vision.»

L’entreprise Emids n’avait pas donné suite aux demandes d’informations du Droit au moment de la publication de cet article.

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