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Retour aux accommodements raisonnables

LISE RAVARY CHRONIQUE Collaboration spéciale lravary@yahoo.com

On se calme. Personne n’a dit qu’il fallait cesser de célébrer Noël au Canada.

Mais la Commission canadienne des droits de la personne, dans un ahurissant rapport sur l’intolérance religieuse, a tout fait pour qu’on comprenne ainsi son propos. Malheureusement, notre côté victimaire s’est manifesté et comme le veut l’anglicisme, au Québec, on l’a ‘pris personnel.’

Comprenez-moi bien : cette manie qu’ont certains organismes de défense des droits au Canada de voir du racisme et de l’exclusion systémiques partout m’indispose au plus haut point. Le Canada, le Québec ne sont pas des états gangrenés par la discrimination raciale ou religieuse. Elles existent, comme partout dans le monde, mais cela ne nous définit absolument pas. Au contraire. Mais, comme ils sont souvent montrés du doigt, il n’est pas surprenant que les Québécois soient frileux.

Dans les faits, la Commission cite les congés fériés religieux comme étant sources de discrimination religieuse parce qu’ils suivent le calendrier chrétien. Deux des congés fériés au Québec sont de nature religieuse, soit Pâques et Noël. Ces jours-là, tout est fermé, la plupart des gens ne travaillent pas ni ne vont à l’école. Incluant les citoyens qui ne sont pas chrétiens. Tout le monde profite de ces congés payés. La discrimination n’est pas là. Mais selon la Commission, le calendrier des jours fériés devrait aussi inclure les fêtes majeures célébrées par des membres de minorités religieuses. Autrement dit, les fêtes chrétiennes ne devraient pas être les seules reconnues et payées au Canada, au nom de la diversité, de l’égalité et du multiculturalisme intégral.

Selon ce principe, une personne juive devrait pouvoir rester à la maison pour le Yom Kippur, le jour du grand pardon, la plus importante fête religieuse de cette confession, sans être pénalisée. Les Musulmans devraient pouvoir se prévaloir d’une journée de congé payé pour l’Eid, une fête religieuse d’importance majeure que l’on célèbre en famille. Et ainsi de suite pour les Sikhs, les Hindous, les Bouddhistes, les Orthodoxes, bref là où le nombre le justifie (comment cela serait déterminé n’a pas encore été discuté mais les exclus, disons les Rastafariens, pourraient à leur tour crier ‘discrimination.’ L’engagement religieux n’est pas une question de statistiques. Il y aura toujours des mécontents.)

En d’autres termes, il s’agirait d’un accommodement. Mes fêtes, tes fêtes, tout le monde est en congé payé et heureux de l’être. À vous de juger s’il est raisonnable ou non.

ET LA LAÏCITÉ ?

La question est clivante, je l’avoue et je ne sens pas au sein de la population un engouement pour l’ajout des fêtes autres chrétiennes – une question de patrimoine plus que de religion – au calendrier des jours fériés mais le débat est enclenché et ne s’évaporera pas comme par magie. Ici comme partout en Occident, la question préoccupe les gouvernements. La pression se fait sentir, l’ère du wokisme aidant.

La France essaie de se dépatouiller avec cette question sans toucher au principe de laïcité mais si l’État ne reconnaît aucune religion, comment peut-il ne respecter que des fêtes chrétiennes ? C’est un non-sens, pensent plusieurs. Mais c’est aussi un non-sens d’accepter de nouvelles fêtes religieuses si la religion ne doit pas être prise en compte dans les décisions de l’État. Mais des accommodements sont accordés, ici et là : par exemple, les universités françaises n’imposent pas d’examens importants lors des grandes fêtes musulmanes et juives.

En tant qu’employeur, le gouvernement français, comme le nôtre, encourage les accommodations au cas par cas mais cela pourrait changer. Ici, des syndicats ont déjà fait adopter dans certaines conventions collectives, des mesures pour satisfaire les membres de minorités religieuses en matière de congés fériés. On y est.

C’est un beau panier de crabes. Si on ajoute officiellement deux nouveaux congés religieux ‘non chrétiens’ au calendrier pour équilibrer deux congés religieux ‘chrétiens,’ seraient-ils alors réservés aux seuls membres des religions concernées ou deviendraient-ils congés fériés pour tous ? Par exemple, l’Eid musulman serait congé payé pour tous les Québécois, comme le Noël catholique l’est pour tous. Toute autre combinaison est potentiellement discriminatoire.

UNE QUESTION LÉGITIME

Je trouve la question légitime car appartenir à une religion ‘minoritaire’ n’est pas qu’une question d’immigration. Les Juifs sont au Québec depuis 250 ans ! Mais si nous reconnaissons que nos racines sont chrétiennes, nous ne vivons plus dans une société religieuse. Noël, et Pâques, ne sont des fêtes religieuses que pour les croyants-pratiquants. Pour la majorité, ce sont des fêtes familiales et communautaires, des occasions de se réunir et de faire la fête.

Malgré ses errements, la Commission canadienne des droits de la personne a bel et bien mis le doigt sur un problème de société progressiste qu’on devra un jour régler, mais son jupon dépasse. Audelà de se lutte contre la discrimination, le sexisme, l’homophobie et le racisme, objectifs non seulement louables mais nécessaires dans une société de droit, elle se permet de promouvoir un agenda multiculturaliste extrême, une idéologie politique malicieuse qui ne laisse aucune place à la notion de peuples fondateurs, de culture commune, de société d’accueil et d’identité nationale. Qui lui a demandé cela ? Est-ce bien son rôle ? Est-elle devenue une extension du gouvernement de Justin Trudeau ?

Est-ce à cela que se consacrent ses 300 employés, armés d’un budget de 42 millions payé par le gouvernement fédéral et bénéficiant de pouvoirs quasi-judiciaires sans être redevables à qui que ce soit ? Il faut être drôlement accommodants pour accepter ça. Plusieurs réclament sa disparition en raison de sa politisation.

Pour le reste, je demeure ouverte à une solution équitable, même si je ressens un certain agacement face à ce débat, mais à condition qu’on ne touche pas à ce qui nous rassemble et nous ressemble depuis 1608.

OPINIONS

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2023-12-02T08:00:00.0000000Z

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