Les libéraux à la croisée des chemins

La deuxième force d’opposition à Queen’s Park vivra un samedi décisif. Le nouveau chef choisi par les militants aujourd’hui donnera le ton pour les deux années et demie restant avec les élections provinciales. L’objectif pour le nouveau leader : le retour au pouvoir des libéraux au printemps 2026.

Les quatre aspirants ont passé les dernières semaines à convaincre les membres pour qui le vote s’est effectué les 25 et 26 novembre. La mairesse de Mississauga Bonnie Crombie partira favorite de la course, suivie par le député fédéral d’Ottawa-Centre et ancien procureur général de l’Ontario, Yasir Naqvi. Le député fédéral Nathaniel ErskineSmith et le député provincial Ted Hsu tenteront de créer la surprise.

Car le nouveau chef aura pour mission de faire oublier Steven Del Duca.

Peu charismatique, laborieux, la voix monocorde, l’ancien député de Vaughan élu à la tête du parti en mars 2020 s’était révélé incapable de sortir la formation de sa torpeur. Aux élections de juin 2022, seuls huit députés libéraux avaient été élus, l’équivalent du même nombre de sièges que quatre ans plus tôt. Comble de l’humiliation : sa propre défaite dans la circonscription de Vaughan-Woodbrige.

À cette cuisante déconvenue, prélude de sa démission, s’ajoutait un sentiment d’impuissance : M. Del Duca devenait le premier leader libéral depuis Lyn McLeod dans les années 90 incapable de remporter au moins une élection.

En attendant le scrutin de 2026, les libéraux semblent toutefois déjà remonter la pente. Quelques signaux parlent en leur faveur. À commencer par les résultats récents des élections partielles.

En juillet dernier, la libérale Karen McCrimmon s’imposait dans Kanata-Carleton, bastion progressisteconservateur depuis 2018. Un succès qui permettait au parti de grappiller un député supplémentaire.

Par ailleurs, un peu plus de 100 000 membres étaient éligibles pour cette élection à la direction du parti, l’équivalent d’argent supplémentaire dans les caisses du parti. À cet égard, la formation politique a annoncé avoir épongé sa dette électorale de 3 millions de dollars datant des dernières élections. Des finances solides pourraient permettre au parti de déployer les grands moyens pour 2026.

Enfin, l’été pourri du premier ministre Doug Ford englué dans le scandale de la gestion de la ceinture de verdure, semble avoir détourné de manière définitive certains électeurs du Parti progressiste-conservateur, offrant aux libéraux la possibilité d’une reconquête.

Bonnie Crombie, la favorite de la course à la direction, s’est justement engagée à remettre le parti plus au centre de l’échiquier politique, se qualifiant elle-même de « très responsable financièrement », mais « très progressiste sur le plan social ».

Elle redonnerait aussi un nouvel élan au parti. À la différence de son principal adversaire Yasir Naqvi, et de Steven Del Duca, la mairesse de Mississauga n’a jamais été élue sur les bancs de Queen’s Park, et incarne une image rafraîchissante pour un parti encore associé aux scandales de la fin de règne du premier ministre Dalton McGuinty (1996-2013). Côté francophonie, Mme Crombie peut compter sur le soutien des anciennes députées provinciales Amanda Simard et Madeleine Meilleur. S’exprimant en anglais, bien que déclarant posséder un « français de base », Mme Crombie si elle devient cheffe du Parti libéral, ne se distinguerait pas des trois autres leaders de parti unilingue à Queen’s Park.

Seule certitude: le prochain leader libéral ce samedi passera moins de temps dans son poste le chef intérimaire John Fraser. Au total, le loyal député d’Ottawa-Sud a maintenu à flot le parti pendant deux périodes réparties sur trois ans. Preuve d’une éternité, mais surtout d’un parti à la croisée des chemins.