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Imposer des femmes aux partielles, n’a rien d’antidémocratique

MARIE-CLAUDE LORTIE mclortie@ledroit.com RÉDACTRICE EN CHEF

Il est étonnant qu’en 2023, il existe encore des gens pour sous-entendre que si on réserve des places aux femmes, que ce soit sur un conseil d’administration, dans un comité ou sur une liste électorale, on ouvre la porte à l’incompétence.

Mais c’est la réalité : il existe encore des personnes qui ne comprennent pas l’utilité et le caractère démocratique de mesures favorisant ainsi les femmes – et autres groupes désavantagés -- pour corriger des injustices dont toute la société paie le prix.

Donc, parlons-en.

Ce débat a lieu depuis des décennies car ce n’est pas d’hier qu’on cherche, de la Scandinavie jusqu’en Asie à augmenter la place des femmes, et de leurs compétences, chez les élus politiques. Mais il a rebondi ici cette semaine à la suite d’une décision prise en congrès par Québec Solidaire le weekend dernier. Comme son caucus n’est pas composé à moitié de femmes comme la population, mais plutôt du tiers, le parti a décidé de prendre des mesures concrètes pour en faire élire, soit bloquer places uniquement pour les femmes candidates lors des élections partielles, de façon temporaire. Mais cela a soulevé des passions et ne fait pas l’unanimité, ni dans le parti ni chez les commentateurs.

La décision a été critiquée notamment par Olivier Bolduc, candidat défait de QS à l’élection partielle dans Jean-Talon l’été dernier, qui avait alors gagné l’investiture contre une femme.

Après la décision du weekend dernier à Gatineau, le militant a déchiré sa carte de membre du parti. Selon lui, les Québécois ne sont pas préoccupés par la lutte contre le «patriarcat», donc par l’égalité. «Ce n’est pas en fonction de ça, a-t-il dit au Journal de Québec, qu’ils décident de leurs choix politiques quand ils sont dans l’urne. Si Québec solidaire veut gagner, il faut qu’il arrête de parler de concepts aussi obscurs et insaisissables.»

Est-ce dire, alors que, par exemple, les milliers de femmes oeuvrant dans le monde de la santé et de l’éducation actuellement en grève, ne sont pas préoccupées par l’équité au sein des instances gouvernementales décidant de leurs salaires et de leurs conditions de travail?

Est-ce dire que toutes les femmes qui ont vivement critiqué la décision du gouvernement de François Legault de subventionner une équipe de hockey avec l’argent des contribuables «se foutent» -ce sont les mots de M. Bolduc– de la représentation des femmes au coeur du pouvoir?

Qui sont ces gens qui ne sont pas intéressés par l’égalité en 2023, qui trouvent que c’est un sujet marginal?

Aider des femmes à entrer dans la sphère politique n’est pas antidémocratique ni anti-compétence: c’est en fait l’inverse.

En laissant en place, sans agir, toutes les barrières historiques, sociales, financières et professionnelles, même familiales, qui font que les femmes occupent une moins grande place en politique que les hommes, c’est toute la société qui se prive d’une part majeure du talent, de la compétence, des connaissances. Mais aussi de la diversité cruciale à la prise de meilleures décisions.

Car rappelons-le, l’avantage majeur et incontournable d’avoir des femmes, et des membres de toutes sortes d’autres groupes traditionnellement absents ou minoritaires voire marginaux au sein des équipes décisionnelles, c’est non seulement l’accès à leurs talents, mais l’apport de points de vue nouveaux, différents.

Les places réservées, les «quotas» ne sont pas les seuls outils pour aider les femmes à faire de la politique. On peut aussi analyser les barrières à leur élection, notamment l’accès au financement, pour leurs campagnes, et agir à cet égard. Mais peu importe ce qu’on fera pour les aider spécifiquement, les mêmes critiques pourraient se faire entendre.

C’est l’idée même de l’inégalité des chances que les critiques de toute mesure d’aide ciblée nient, refusent de comprendre, ou saisissent très bien mais tiennent à brouiller avec des mots lance-flamme.

Le paradoxe, dans tout cela, c’est que bien des opposants à ce type de discrimination positive sont aussi de fervents défenseurs de mesures ciblées à d’autres égards, la protection du français, par exemple.

Si la défense de la langue est un choix politique qui justifie qu’on agisse de façon discriminatoire, pourquoi nier ce type d’intervention à un parti qui fait le choix politique de l’égalité?

Ce n’est pas sexiste ni dystopique ni rien de tout cela.

C’est une option parmi d’autres, pratique, pour tenter de résoudre un problème politique.

C’est l’idée même de l’inégalité des chances que les critiques de toute mesure d’aide ciblée nient, refusent de comprendre, ou saisissent très bien mais tiennent à brouiller avec des mots lance-flamme.

ÉDITORIAL

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2023-12-02T08:00:00.0000000Z

2023-12-02T08:00:00.0000000Z

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