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Fermeture abrupte au Patro d’Ottawa

JULIEN PAQUETTE jpaquette@ledroit.com

Nicole Pilon-Desjardins est désemparée. Elle a appris la semaine dernière que le camp de jour francophone pour adultes ayant des besoins spéciaux, fréquenté par son fils François, va fermer ses portes juste avant Noël.

«Je me retrouve en janvier avec rien. C’est tellement important pour lui cet endroit-là, parce que sinon, il est toujours à la maison», déplore-t-elle.

Dans une missive datée du 21 novembre, le directeur général intérimaire du Patro d’Ottawa, Donald Gingras, annonce aux familles des usagers du camp de jour Le P’tit Bonheur que l’organisation «n’a d’autre choix de suspendre ses programmes et services à partir du 8 janvier 2024, et ce pour une période indéterminée».

M. Gingras ajoute que le financement offert par la Ville d’Ottawa pour la fin de l’année 2023 est suspendu, mais que la décision a été prise de maintenir les services du P’tit Bonheur jusqu’au 22 décembre prochain, «parce que nous savons à quel point ceux-ci sont importants pour les participants et leur famille».

«Il a fallu donner des avis de mise à pied à tous les employés et ils ont été très bons. Ils sont très dévoués et ont dit qu’ils resteraient jusqu’à la fin», souligne Stéphane ÉmardChabot, porte-parole du Patro d’Ottawa.

Mince consolation pour Nicole Pilon-Desjardins et les familles des autres usagers du P’tit Bonheur.

«Les programmes de jour pour adultes francophones déficients intellectuels, il n’y en a pas, affirme Mme Pilon-Desjardins. Dans la lettre, on dit de prévoir des alternatives… mais je n’en ai pas d’alternative.»

Mme Pilon-Desjardins dit avoir fait des recherches exhaustives quand son fils a terminé l’école, il y a trois ans. Il lui a fallu beaucoup de temps avant de réussir à obtenir une place au P’tit Bonheur. Un service en français de surcroît, pour son fils qui ne devait pas parler à l’origine et qui n’a donc jamais appris de langue seconde.

«Je suis bouleversée pour lui qu’il perde cette communauté, ses amis. Je suis bouleversée pour les gens qui travaillent là», affirme Nicole Pilon-Desjardins.

«Perdre ce service, ça va vouloir dire qu’il est à la maison constamment et que maman se promène entre la maison et le travail, qu’il m’appelle pour garder le contact.

Il a une déficience intellectuelle, mais il est aussi autiste, alors quand il est seul à la maison, il attend le facteur. Il se promène d’une fenêtre à l’autre et il attend le facteur, parce que c’est son lien avec l’extérieur», raconte la mère de François.

RELATIONS TENDUES AVEC LA VILLE

La fermeture d’un service comme Le P’tit Bonheur est le point culminant de plusieurs mois de tensions en coulisses entre le Patro et la Ville d’Ottawa.

La municipalité et l’organisation se partagent la propriété du bâtiment au 40, rue Cobourg depuis quelques décennies.

M. Émard-Chabot soutient qu’après des expropriations massives dans la Basse-ville dans les années 60 et 70, la communauté francophone s’est mobilisée pour obtenir un centre communautaire dans ce quartier.

Il ajoute qu’à l’époque, une entente a été conclue entre la municipalité et la communauté pour encadrer le partage de cet édifice.

«Depuis l’entente des années 70 qui était ni plus ni moins un contrat social entre les francophones de la Basse-ville et la Ville, le Patro est responsable de la gestion quotidienne de l’ensemble du complexe», ajoute le porte-parole du Patro d’Ottawa.

La Ville d’Ottawa a interpellé l’organisation il y a plus d’un an pour demander une reddition de comptes, jugeant que la programmation dans l’édifice qu’elle partage avec le Patro ne répondait pas à ses attentes.

«Je veux qu’il y ait un peu de vie dans le Patro. Tout le monde me dit qu’il n’y a personne quand ils vont au Patro. C’est vide et je trouve ça dommage», soutient la conseillère de Rideau-Vanier, Stéphanie Plante.

«Le Patro offre essentiellement uniquement de la programmation en français depuis ses débuts, ajoute Dan Chenier, directeur des Loisirs, de la Culture et des Installations à la Ville d’Ottawa. Nous voulons maintenir une forte programmation francophone à cet endroit, mais nous voulons aussi prendre en considération que la Basse-ville d’aujourd’hui n’est pas celle des années 60 ou 70.»

Le mois dernier, une motion de la conseillère Plante pour faire une place à la banque d’alimentation du Centre de ressources communautaires de la Basse-Ville au 40, Cobourg a été adoptée par le conseil municipal. Cette décision a aussi confirmé que la municipalité reprend la gestion de la programmation dans ce complexe.

«Cette gestion, qui comprenait la location de salles et tout ça, générait des revenus pour le Patro», indique Stéphane Émard-Chabot.

Un paiement de 48 321$ a aussi été retenu par la Ville pour la prestation de programmes récréatifs durant les derniers mois de l’année.

«Au cours de la dernière année, le Patro a fait l’objet d’un important examen stratégique et a annulé certains de ses programmes à l’automne. Le paiement du dernier versement est donc en attente de la confirmation des programmes qui ont été offerts cet automne», indique M. Chenier.

«Face à tout cela, le Patro a pris la seule décision qui était possible et de suspendre temporairement toutes ses activités jusqu’à ce que l’on puisse figurer un plan de relance», indique le porte-parole du Patro d’Ottawa.

— ETIENNE RANGER, LE DROIT

DE L’ESPOIR POUR LE P’TIT BONHEUR?

«Nous n’avons pas encore eu les discussions à savoir ce que le Patro continuera d’offrir ou non. Notre engagement est que tout programme qui a connu du succès, que ce soit sous la gouverne du Patro ou opéré de façon indépendante, nous allons travailler à conserver autant de ces programmes que nous le pouvons pour que l’impact sur la communauté soit minimal», a affirmé Dan Chenier mardi, devant le Comité des services communautaires de la Ville d’Ottawa.

La conseillère de Rideau-Vanier souhaite également que les programmes offerts au Patro puissent se poursuivre, notamment ce camp de jour pour adultes ayant des besoins spéciaux. «Ma priorité est de renouveler la programmation qu’on a maintenant, assure Stéphanie Plante. Je ne vois pas pourquoi on ne peut pas garder la programmation qu’il y a en ce moment et ensuite, lancer des consultations pour renouveler le tout.»

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