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HYDRO ET UNE NOUVELLE ÉNERGIE

MARIE-CLAUDE LORTIE mclortie@ledroit.com RÉDACTRICE EN CHEF

La question n’est pas «estce que Michael Sabia a les compétences pour diriger Hydro-Québec?» La réponse est oui, on le sait. Le gestionnaire que le premier ministre québécois, François Legault, devrait nommer sous peu à la tête de la grande société d’État, pour remplacer la dirigeante sortante Sophie Brochu, est aguerri. Il a obtenu de bons rendements pendant ses années à la tête de la Caisse de dépôt et placement du Québec qu’il avait reprise en mauvaise posture. Il a dirigé Bell pendant les grandes années de restructuration technologique. Il a été plusieurs fois sous-ministre à Ottawa, récemment aux Finances, mais aussi dans les années 90 du temps de la complexe mise en place de la TPS.

La feuille de route n’est peut-être pas parfaite, mais elle impressionnante. Et le fait qu’il ne soit pas issu du milieu énergétique ne le disqualifie pas tout de go. Lorsqu’il est arrivé à la Caisse d’aucuns ont dit qu’il venait du privé et que Bell n’était pas un fonds d’investissement étatique et donc qu’il n’était pas à sa place. Et tout s’est finalement plutôt bien passé.

Certes, il aura 70 ans plus tard cette année. On l’a souligné plusieurs fois depuis que sa nomination est devenue un secret de polichinelle. Mais est-ce réellement un critère? L’âge n’est plus ce qu’il était. Et il n’a pas été un frein pour de bien de grands personnages allant de Gandhi jusqu’à Winston Churchill qui avait 65 ans quand la Seconde Guerre mondiale a commencé, et 81 ans quand il a quitté ses fonctions de premier ministre à Londres. Des exemples grandioses qu’on pourrait comparer à d’autres moins heureux de leaders qui auraient dû quitter plus tôt. Reste que cela montre bien que, pour paraphraser Corneille, aux âmes bien nées, la valeur n’a rien à voir avec le nombre des années.

Mais est-ce donc une idée sans faille de nommer M. Sabia à la tête d’Hydro? Ou est-ce une solution presque facile, trop évidente?

On peut choisir d’y répondre par une autre question.

N’y a-t-il pas quelqu’un autour de la table au conseil des ministres pour dire: on ne pourrait pas trouver quelqu’un d’autre? Juste une personne issue de la relève. Du sang neuf. Quelqu’un qui n’a pas déjà eu la chance à plusieurs reprises de façonner l’avenir de notre développement économique, qui n’a pas déjà contrôlé les importants leviers que sont la Caisse de dépôt ou le ministère des Finances ?

Les recherches en gestion l’ont montré des centaines de fois. La prospérité, les succès des entreprises sont intimement liés à la diversité des points de vue exprimés lors des prises de décision. Plus il y a de gens qui participent à remplir les angles morts des uns et des autres, pour reprendre une expression à la mode, plus on a de chance de tout voir, tout comprendre, tout imaginer.

Et c’est là que la nomination d’une nouvelle tête aurait été intéressante pour cette société qui gère le coeur de notre secteur énergétique. La crise climatique nous oblige à totalement le repenser pour mieux tirer profit, intelligemment, avec lucidité et créativité, de cette électricité propre qui est la nôtre sans pour autant taxer le territoire et ses populations. Hydro est au coeur de l’action. De l’action économique. De l’action climatique.

On pourra — et on devrait — épiloguer longuement sur le départ prématuré de Mme Brochu qui avait, justement, des idées différentes et qui venait, elle, du secteur énergétique. L’abandon apparent par le gouvernement Legault, notamment par le ministre de l’Économie Pierre Fitzgibbon, de la quête de façons de s’entendre avec cette leader et maintenant la nomination d’un vétéran qu’on connaît par coeur, en dit long sur la posture de ce gouvernement face à ce qui n’est pas comme d’habitude.

François Legault a déjà dit que pour faire des changements il fallait des gens forts.

Oui. Mais pour faire des changements, il faut aussi faire les choses pas comme avant, pas comme toujours.

Si on joue à la chaise musicale quand on fait du recrutement et qu’on plonge toujours dans le même groupe de gens pour diriger la province, le pays, et leurs grandes institutions, en les permutant ici et là, ça ne changera pas.

Nonobstant les qualités de tous, parfois il faut faire place à des idées nouvelles, provenant, souvent, d’expériences, de parcours inédits.

Une chance que Manon Brouillette, l’ancienne patronne de Vidéotron, qui revient d’une expérience à la tête de Verizon Consimers Group aux États-Unis, présidera le conseil d’administration d’Hydro. Espérons que ces messieurs, Legault, Fitzgibbon et Sabia l’écouteront. Et espérons que tous prêteront aussi une oreille à ceux qui connaissent à fond ce secteur et ceux qui ont des idées différentes.

On aime Hydro. Mais on aime aussi les changements porteurs.

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2023-05-27T07:00:00.0000000Z

2023-05-27T07:00:00.0000000Z

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