LE G10

Lise Ravary s’est entretenue avec deux femmes d’affaires du secteur manufacturier qui relèvent le défi de ID-Gatineau : Anya Baumberger et Mélanie Bernard

DEPUIS 2008, CUISI-N-ART DE GATINEAU CONÇOIT, FABRIQUE ET INSTALLE DES CUISINES AINSI QUE DES VANITÉS DE SALLE DE BAIN ET DES MEUBLES INTÉGRÉS SUR MESURE. Le fondateur, Réal Fortier, aujourd’hui décédé, a eu la bonne idée un jour de confier des contrats de conception à Anya Baumberger, une jeune diplômée en design architectural du Collège LaSalle. Aujourd’hui, Mme Baumberger préside avec succès l’entreprise avec sa co-actionnaire, la fille de M. Fortier, Caroline. Et Cuisi-n-art et Mini Tipi sont actuellement épaulées par le programme G10 de ID Gatineau, pour les entreprises manufacturières, afin d’avancer encore plus.

C’est donc tout un parcours pour une femme née de parents venus de Suisse pour exploiter une ferme laitière au Témiscamingue. Elle sait ce que trimer dur veut dire. Et elle en récolte les fruits aujourd’hui.

L’entreprise qu’elle dirige ne cesse de croître avec une usine de 40 000 pieds carrés à la hauteur de ses rêves, un espace de vente de 10 000 pieds carrés et une soixantaine d’employés.

À 24 ans, en 2007, Anya Baumberger s’est inscrite à un cours de design architectural au Collège LaSalle, une décision qui allait changer sa vie.

En 2010, en passant chercher son fils à la garderie, elle s’est arrêtée chez Cuisin-art juste à côté pour demander s’ils cherchaient une designer. Une idée, comme ça, spontanément.

Elle a été embauchée sur le champ.

« J’ai commencé avec les cuisines comme designer contractuelle. Mes collègues attendaient leurs contrats mais moi, pendant ce temps, j’allais chercher tous les contracteurs de la région. »

« J’ai toujours eu l’âme d’une entrepreneure. Je n’ai jamais punché, jamais travaillé de 9 à 5. »

À 18 ans, Mme Baumberger avait même ses cartes de compétence de peintre en bâtiment de la Commission de la construction du Québec.

« J’ai travaillé à la décoration des chambres du Hilton du Casino du Lac-Leamy pendant l’été, dit-elle avec fierté. »

On sent la passion chez elle.

« Mais je ne suis pas brainwashée par le travail même si cela fait partie de ma vie depuis que je suis toute petite. Je m’accorde mes fins de semaine mais quand je me lève le matin, j’ai toujours quelque chose à faire. C’est du sport. Il m’arrive de faire de la planification au beau milieu de la nuit. »

« J’ai un homme extraordinaire dans ma vie, Raymond, mon roc, qui est aussi directeur de l’usine. Il a toujours cru qu’une femme pouvait réussir dans le milieu de la construction. »

Anya Baumberger croit aussi à la gestion participative, ce qui explique sans doute pourquoi la pénurie de main-d’oeuvre ne ralentit pas Cuisi-n-art.

« Je veux donner à mes employés la latitude pour croître. J’encourage une culture “intrapreneuriale”. Je leur dis : “amène-moi des idées et je vais te donner ce dont tu as besoin pour les réaliser.” »

«Aujourd’hui, à 40 ans, je connais mes limites. Mes rêves sont plus personnels que professionnels. Je veux voyager. Passer du temps avec ma famille et mes amis.»

Ce qui n’empêche pas la femme d’affaires d’innover pour assurer la pérennité de l’entreprise. « Pour la fête des pères, nous allons proposer des aménagements en kits pour le garage ! »

Ce ne sont pas les idées, ni le courage qui manquent.

Mélanie Bernard et MINI-TIPI

La carrière d’enseignante au primaire de Mélanie Bernard, 38 ans, a pris un tournant inattendu lorsqu’elle a rencontré Trisha Petura, une jeune femme Ojibway de la nation Nipissing en Ontario pendant un cours en piscine pour mamans et bébés en 2012.

« J’ai toujours voulu changer les choses. J’ai pensé faire de la politique mais j’ai préféré changer la prochaine génération » ditelle, un sourire dans la voix.

Aujourd’hui, Trisha Petura et Mélanie Bernard changent le monde une paire de mitaines, un châle, une couverture à la fois. Les deux complices sont co-fondatrices et co-actionnaires de Mini-Tipi, une entreprise qui se spécialise dans la création et fabrication de vêtements et d’accessoires aux motifs authentiquement autochtones.

Mini-Tipi est reconnue par la Canadian Council for Aboriginal Business. Pas question donc d’appropriation culturelle.

Les designers, Anna Heffernan, Nikki Shawwana et Tehatsistahawi Kennedy sont d’ascendance autochtone mais leurs splendides créations prennent vie avec des tissus importés d’Italie, parmi les meilleurs qui soient.

Un exemple positif de la mondialisation.

« Au début, nous achetions nos tissus inspirés par les traditions autochtones et par la nature, choisis par Trisha, dans un magasin de tissus mais, rapidement, nous nous sommes questionnés au sujet du design textile et avons créé notre premier motif en collaboration avec des artistes des Premières nations à qui nous versons des redevances, en plus de leur rémunération. »

Mélanie Bernard ne craint pas d’afficher sa conscience sociale, nullement un frein à sa réussite comme entrepreneure et femme d’affaires.

Aujourd’hui, Mini-Tipi emploie 12 personnes à Gatineau et ses produits sont vendus notamment dans les magasins Simons.

« Nos créations sont disponibles dans plus de 80 boutiques à travers le Canada et avons beaucoup de clients américains en ligne » ajoute fièrement Mélanie Bernard. »

« Nous avons été soulevées par une vague » explique Mélanie. Ce n’est pas facile de gérer une croissance rapide mais les projets ne manquent pas. »

« Nous voulons continuer notre expansion sur le territoire que les Premières nations appellent Turtle Island, le nom donné au continent nord-américain. »

La pénurie d’emplois n’a pas perturbé Mini-Tipi qui prend soin de ses travailleurs.

« Nos employés sont nos ambassadeurs », ajoutant « la croissance de l’équipe passe par notre croissance personnelle comme leaders. »

Courageuses les femmes en affaires ? « Il faut du courage pour être acteur de changement mais mon inexpérience du début m’a servie. Je n’avais pas d’idées préconçues mais ce que je croyais être de la naïveté était en réalité mon intuition. »

« C’est correct d’être en affaires en tant que femmes. Nous sommes ambitieuses mais avec générosité. »