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DU FUNK VENU DU MOYEN ÂGE

YVES BERGERAS ybergeras@ledroit.com

Il était une fois un féru de jazz nommé Pierre Chrétien qui s’amusait à recomposer des chants grégoriens de manière bien peu catholique.

Exit les moines, oublie les robes de bure, scrappe le plain-chant (véritable nom de ces chants moyenâgeux), ici remplacés par de furieux grooves jazzy ou funky et autres éléments plus soul psychédéliques, pour un résultat beaucoup plus proche des liturgies d’Ennio Morricone qu’à l’acoustique feutrée des abbayes cisterciennes.

Les pulsations mélodiques dont il est question ici — on parle du deuxième album de Cinephonic, intitulé Visions – sont pourtant d’authentiques «thèmes médiévaux et baroques» que M. Chrétien s’est amusé à maquiller.

Hum! Bien honnêtement, seuls les musicologues les plus avertis sauront déceler à l’oreille la moindre trace de chant grégorien, tant la transfiguration est intense.

«Si je n’avais rien dit, personne ne le saurait», constate le compositeur, tout sourire. «D’ailleurs, Ennio Morricone et François de Roubaix ont fait des trucs semblables. David Axelrod – qu’on crédite souvent d’avoir inventé la musique jazz-funk, bien avant Miles Davis – aussi. [Et eux non plus] ne s’en vantaient pas tellement», sans doute pour ne pas risquer de s’aliéner le grand public, branché sur des voltages musicaux a priori plus contemporains.

Pour Pierre Chrétien, aucun doute, des éléments mélodiques influencés par les chants grégoriens s’entendent dans

«The Mission et dans plusieurs westerns [de Sergio Leone] mais aussi, plus subtilement, dans presque toutes les trames musicales de films d’Ennio Morricone».

Reste que la démarche de Pierre Chrétien est on ne peut plus authentique. Il a étudié la musique à l’université d’Ottawa, au côté du compositeur Stephen Gellman (lui-même formé par Darius Milhaud et

Olivier Messiaen, entre autres sommités), et c’est en sa compagnie qu’il a découvert les chants grégoriens.

RYTHMIQUES LIBRES

Ces mélopées monacales ne sont marquées par aucun tempo musical formel, rappelle le multi-instrumentiste. Les airs psalmodiés par les moines se dispensaient de mesures rythmiques. Sur les partitions, ne figure aucune «barre» verticale ; on n’y trouve «que des notes courtes et des notes longues»; c’était en définitive le texte qui finissait par dicter le rythme, explique M. Chrétien. Il s’y alors engouffré dans cet espace de liberté à explorer, s’amusant à repeindre ces vieux paysages

ARTS.

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2023-01-28T08:00:00.0000000Z

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