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Pharmachien

RÉTABLIR LE DIALOGUE

YVES BERGERAS ybergeras@ledroit.com

«Si j’avais à nommer la chose qui m’inquiète le plus, aujourd’hui, dans la société, c’est la polarisation. […] Les gens sont de plus en plus polarisés», lâche en entrevue Olivier Bernard.

Le Pharmachien a fait paraître jeudi 26 janvier un deuxième album destiné aux enfants: Le mystère de la pyramide (éditions Les malins). Il s’agit de la suite thématique des aventures du Petit garçon qui posait trop de questions, par lequel l’auteur abordait la méthodologie scientifique. (À lire aussi: Le mystère du Pharmachiot sur notre site Internet)

La polarisation, ce nouveau grand mal qui ronge nos sociétés humaines – lesquelles n’ont peutêtre jamais été aussi divisées que depuis qu’elles sont complètement interconnectées – terrifie Olivier Bernard, qui est depuis longtemps à la fois «fasciné et exaspéré par les mythes scientifiques et médicaux».

Prenons «la vaccination, par exemple», propose le scientifique (il détient une maîtrise en génétique moléculaire). «Il y a 10 ans, il y avait déjà des débats sur le vaccin, mais c’était pour se poser la question de leur efficacité», pour discuter des bienfaits relatifs de certains vaccins comparés à d’autres. «Aujourd’hui, le débat ce n’est plus ‘Quel est le meilleur vaccin?’, c’est devenu ‘Est-ce que les virus, ça existe vraiment?’ On [la communauté scientifique] est très loin de commenter comment un vaccin fonctionne: on est rendu à devoir convaincre et argumenter autour de ce qui est prouvé» depuis belle lurette.

«Il y a là une rupture du dialogue [qui] me fait peur», poursuit Le Pharmachien, selon qui l’exemple du vaccin «est une bonne démonstration de ce qui arrive [un peu partout ailleurs] dans la culture mainstream».

Cette polarisation se ressent dans le domaine des sciences et de la santé, mais aussi en politique et dès qu’on essaie de parler d’enjeux sociaux; elle est en train de contaminer l’ensemble des sphères de la société, estime-t-il.

DE PRÉTENDUS DÉBATS

Beaucoup trop de gens «prétendent encourager le débat» dans l’espace public, alors qu’ils ne font que «se prononcer sur des sujets [complexes] de façon absolument pas nuancée» et partager des opinions intempestives. Olivier Bernard se navre d’entendre de trop nombreuses voix médiatiques, «galvaniser leurs fans, leurs lecteurs ou leurs auditeurs» au lieu de chercher à enrichir les discussions.

«Et je le vois aussi chez mes proches! Dans ma famille, c’est plus possible de parler de certains sujets avec certains d’entre eux!» se navre-t-il.

«Un débat, ce n’est pas supposé être unilatéral, c’est un dialogue. Dialoguer, ça présuppose une écoute, pas [une prise de position] inflexible pour casser la personne devant soi. On ne fait plus du débat, on fait de la polarisation. [...] Et je ne vois pas la solution.»

L’ère de la post-vérité n’est pas nouvelle en soi, mais la pandémie a envenimé les choses, estime Olivier Bernard – en précisant qu’il tient son avis d’«experts» avec lesquels il travaille sur un «projet parallèle» en lien avec le «complotisme».

SOMMET PANDÉMIQUE

«Tout ça [les fausses croyances et les mouvances ultras] était déjà présent avant le COVID, mais il y a eu, durant la pandémie, une sorte de libération de la parole. Ces gens-là ont pu se consolider autour d’une même cause, l’opposition aux mesures sanitaires.» Aujourd’hui, dit-il, on observe un vaste ensemble qui, en dépit de ses contours flous, parvient et fédérer toutes sortes de contestations disparates. Ça va «jusqu’à l’opposition au consensus climatique», tonne-til, sans plus trop s’en étonner.

«La pandémie a unifié plein de gens qui avant étaient chacun dans leur coin», sans trop savoir où cristalliser leur foi, leurs doutes et leur grogne. «Le problème, c’est que maintenant qu’ils sont unis, ils peuvent collaborer [et rayonner encore plus efficacement]. Les réseaux se sont créés et ils ne sont pas prêts de se défaire».

«C’est pour ça que je fais maintenant des trucs pour les enfants, après huit ans à m’adresser aux adultes. La réalité c’est que, quand on est adultes, nos positions sont trop campées, on est pris dans nos biais [cognitifs] et nos convictions profondes. [Trop pour les remettre en question.] La solution, pour moi, c’est de préparer la prochaine génération en les amenant à la pensée scientifique et la pensée critique.»

LEMAG.

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2023-01-28T08:00:00.0000000Z

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