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GUILLAUME CÔTÉ DIT AU REVOIR À ROMÉO

CLAUDIA BLAIS-THOMPSON cbthompson@ledroit.com

À 41 ans, la retraite du Ballet national du Canada (BNC) approche pour le danseur Guillaume Côté et accrocher ses chaussons vient avec certains deuils, dont celui d’abandonner le personnage de Roméo dans la célèbre pièce de Shakespeare.

« Je suis en train de faire beaucoup de deuils en même temps, confie au Droit le danseur étoile de la plus grande compagnie de ballet au pays. C’est un processus vraiment difficile et Roméo en fait vraiment partie. Dire au revoir à une identité, une carrière. Aussi, c’est comme si j’étais un spécialiste dans ce rôle. Je connais tout le matériel de cette version du ballet. Lui dire au revoir me pince un peu le coeur. »

Du 2 au 4 février, le BNC présentera à travers un jeu de jambes rapide et des pas de deux expressifs sur la scène de la Salle Southam au Centre national des arts (CNA), la plus célèbre histoire d’amour. Le 3 février, le danseur principal du BNC dansera pour la dernière fois le rôle de Roméo au CNA avant d’y mettre définitivement un terme en juin à Toronto.

De ce rôle légendaire qui l’aura accompagné pendant plusieurs années, Guillaume Côté ne garde que « des souvenirs incroyables ».

« Notre carrière est tellement éphémère, dit-il. La semaine prochaine quand je serai sur scène, je vais me donner à fond parce que ces moments ne reviennent plus. »

Le personnage de Roméo Montagu a ponctué la carrière du danseur originaire du Lac-Saint-Jean. L’un de ses premiers rôles au début de sa vingtaine, il a d’abord dansé dans la version très connue de John Cranko. Dix ans plus tard, à la demande de la directrice artistique du BNC, Karen Kain, le chorégraphe Alexeï Ratmanski modernise le ballet et offre le premier rôle à Guillaume Côté.

« C’était très controversé parce que la version de Cranko était magnifique et reconnue, explique le danseur classique. C’était une production très observée depuis le début parce que les gens étaient curieux de voir ce qu’Alexeï Ratmanski allait faire en remplaçant la version très iconique de John Cranko. »

La relecture de ce classique lui a entre autres permis de devenir le premier danseur principal québécois à se produire sur les planches du Bolchoï à Moscou, l’une des scènes les plus prestigieuses au monde.

« Sa version ne tombe pas du tout dans la pantomime, indique Guillaume Côté. Il reste loin de ces choses-là. Il fait danser les danseurs à fond. On voit vraiment qu’il amène la technique classique dans le XXIe siècle, il invite les danseurs à pousser leurs limites, mais en même temps il raconte l’histoire dans les mouvements, dans les séquences et dans les chorégraphies. Même les versions plus vieilles, il y avait des moments de pantomime, des combats d’épée et des pas de deux entre tout ça. »

L’histoire de cette idylle fatale est sûrement l’une des plus connues de la littérature de par les nombreuses adaptations au théâtre, au cinéma et à l’opéra. Mais à travers l’amour de ce couple mythique se glissent la tragédie, les conflits familiaux, la haine et le destin, rappelle Guillaume Côté.

« C’est drôle parce que quand j’étais plus jeune je pensais juste à l’histoire d’amour et l’intensité de leur relation. Mais plus je vieillis, plus je vois l’histoire comme un ensemble. L’histoire est aussi à propos de deux personnes qui se sentent prisonniers dans des familles qui sont en guerre. »

Celui qui est aussi chorégraphe associé du BNC voit dans le regard de Ratmanski une Juliette qui se rebelle contre sa famille, une jeune fille qui « prend les décisions, un personnage beaucoup plus fort » que les versions antérieures.

« Ça me fait voir mon personnage différemment », affirme-t-il. Ce n’est pas nécessairement juste une histoire d’amour, c’est l’histoire d’un conflit entre deux familles. C’est une histoire que tu peux décortiquer et réapprendre au fil du temps. Et plus je m’approfondis dans ce contexte, plus mon expérience est réelle. »

Physiquement, mais aussi artistiquement, le Roméo de celui qui est considéré par plusieurs comme l’un des plus grands danseurs de ballet

«Je connais tout le matériel de cette version du ballet. Lui dire au revoir me pince un peu le coeur.» — Guillaume Côté

de sa génération n’est pas le même qu’en 2011.

« C’est ingrat le monde du ballet parce qu’on ne peut plus danser comme on dansait quand on avait 20 ans, mais on est encore meilleur dans l’interprétation des personnages. Je pense que maintenant je le danse plus profondément. »

Il souhaite d’ailleurs pour le milieu du ballet classique une véritable introspection de sa structure souvent reconnue pour être snob où « de vieilles traditions ont imprégné la culture ». Avec le Festival des arts de Saint-Sauveur, dont il est le directeur artistique, et des émissions de danse comme

Révolution qui contribuent largement à démocratiser la danse, il croit que ces tribunes peuvent forger une nouvelle façon de penser la danse.

« Les plus belles choses sortent quand on se met ensemble. Au lieu de penser d’une façon linéaire, c’est penser en constellation et relier les points. On crée quelque chose de nouveau quand on fait ça. J’adore l’idée de travailler avec des jeunes qui n’ont pas une formation uniquement classique, mais aussi leur amener le savoir du répertoire classique. »

À l’aube de sa retraite du BNC, Guillaume Côté n’a certainement aucun regret. « J’ai eu de belles années, c’est incroyable ». S’il se dit prêt à passer le flambeau et continuer d’inspirer les plus jeunes, la danse ne sortira jamais complètement de sa vie.

Avec sa compagnie Côté Danse, il repartira sur les routes du Québec cette année pour présenter « dans de plus petites communautés » le spectacle X (Dix), inspiré de l’odyssée d’Ulysse. La troupe débutera la tournée à Valleyfield (14 mai) et visitera Saguenay (19 mai), Alma (20 mai), Victoriaville (23 et 24 mai), Trois-Rivières (25 mai), SaintJean-sur-Richelieu (27 octobre), Rivière-du-Loup (3 novembre), BaieComeau (6 novembre), Sept-Îles (7 novembre), Rimouski (9 novembre) et Matane (10 novembre).

Il travaille aussi actuellement avec le metteur en scène Robert Lepage pour la pièce Hamlet qui sera présentée au Festival des arts de SaintSauveur en 2023.

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2023-01-28T08:00:00.0000000Z

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