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LA VENTE DE FEU QUI DURE DEPUIS CINQ ANS

Notre histoire débute sur une minuscule île, en plein coeur de la mer des Caraïbes, il y a cinq ans. Presque jour pour jour.

SYLVAIN ST-LAURENT sstlaurent@ledroit.com

Au début du mois de février 2018, Pierre Dorion s’est envolé vers la Barbade. Il ne s’agissait pas de fuir l’hiver et la pression qui accompagne son rôle de directeur général des Sénateurs d’Ottawa. Il devait plutôt rendre des comptes à son patron.

L’équipe, qui avait atteint la Finale de l’Association Est en 2017, était en chute libre.

Personne ne sait vraiment ce qui s’est passé, durant la rencontre, mais on devine que Dorion a trouvé les bons mots. Il est rentré au pays avec un nouveau contrat de trois ans en poche. Eugene Melnyk lui a également confié le mandat de faire table rase pour mieux rebâtir l’équipe avec des jeunes.

Les Sénateurs n’ont pas eu peur d’utiliser le mot «reconstruction».

Depuis, on peut dire qu’il n’a pas chômé. Dorion a travaillé très fort, même.

Les Sénateurs connaissent une autre saison décevante. Dorion se rangera vraisemblablement dans le camp des vendeurs à nouveau, dans le prochain mois, à l’approche de la date limite des transactions. On ne peut donc pas dire que son plan a été couronné de succès.

On ne peut pas dire, non plus, que tous ses efforts n’ont pas valu la peine.

LES POCHES PLEINES

Dorion s’est souvent targué d’être un DG «agressif» qui n’a pas peur de compléter des transactions. C’est bien vrai.

Le «vendeur» s’est mis au travail dès son retour. Les résultats ont commencé à se manifester une dizaine de jours plus tard. Dion Phaneuf a été le premier à quitter. On l’a retiré au beau milieu d’un match, à Pittsburgh, parce qu’on venait de l’échanger.

Dans les cinq années qui ont suivi, Dorion a liquidé absolument tout ce qu’il pouvait liquider. Tous les vétérans dont le contrat arrivait à échéance savaient qu’ils devaient préparer leurs valises.

Derick Brassard a été le premier à suivre Phaneuf. Ensuite? Il y a eu Matt Duchene, Ryan Dzingel, Mark Stone, Dylan DeMelo, Jean-Gabriel Pageau et Nick Paul. On parle uniquement, ici, des véritables joueurs d’impact. On pourrait aussi ajouter à la liste tous ces acteurs de soutien qu’on a presque déjà oublié comme Mike Reilly, Braydon Coburn, Tyler Ennis, Zach Sanford...

Dorion a gravi les échelons, dans le monde du hockey, parce qu’il était un bon évaluateur de talent. Il sait donc que tous les choix de repêchage sont utiles.

Un dépisteur, au sein de l’équipe, peut sortir un lapin de son chapeau en sixième ronde.

La vente de feu des cinq dernières années a permis aux Sénateurs de mettre la main sur une vingtaine de choix supplémentaires. Les Sénateurs n’ont pas repêché une vingtaine de joueurs de plus. Ces choix ont souvent servi de monnaie d’échange aux Sénateurs, dans des transactions qui ont suivi. Avec des résultats variables.

COUP DE CIRCUIT

Ironiquement, le meilleur coup de Dorion n’est pas survenu à la date limite des transactions.

Le directeur général a été patient, quand est venu le temps de se défaire de la pièce maîtresse de son puzzle. Il a passé des mois et des mois à mijoter la transaction impliquant Erik Karlsson.

Il faut lui rendre hommage. Avec le recul, il faut reconnaître qu’il a bien travaillé. Cette transaction a permis aux Sénateurs de mettre la main sur quatre joueurs qui pourraient avoir un grand impact sur les succès du club.

Les gens qui sont doués vont souvent reconnaître qu’ils sont chanceux. Dorion a un peu joué de chance quand il a conclu le marché avec son homologue des Sharks de San Jose, Doug Wilson.

Les Sénateurs ont obtenu trois choix de repêchage. À l’époque, les Sharks participaient aux séries année après année. On pensait donc qu’il s’agirait de choix tardifs. En 2020, à la surprise générale, ils se sont écrasés. Les choix cédés aux Sénateurs ont alors gagné beaucoup de valeur.

Les Sénateurs ont d’abord obtenu le premier choix des Sharks au repêchage de 2020. Ce choix leur a permis de mettre la main sur Tim Stützle.

Ils ont obtenu un choix de deuxième ronde au repêchage de 2019. Dorion a utilisé ce choix pour conclure une autre transaction, qui lui a ultimement permis de repêcher son gardien d’avenir, Mads Søgaard.

Un choix conditionnel lors du repêchage de 2021 a été utilisé, enfin, pour sélectionner Zach Ostapchuk. Espoir méconnu, à l’époque, ce centre albertain vient de sortir de l’ombre en remportant deux médailles d’or avec Équipe Canada Junior.

Quand les Sénateurs ont cédé Karlsson aux Sharks, ils ont aussi obtenu un «vrai» jeune joueur. En 2018, on pensait que Josh Norris deviendrait un bon centre numéro trois, dans la LNH. On ne savait pas qu’il avait le potentiel de marquer 30 buts par année, en tant que spécialiste de l’attaque massive.

L’IMPORTANT REPÊCHAGE DE 2020

Il est peut-être un peu trop tôt pour vraiment mesurer le succès de Pierre Dorion, dans la gestion de la reconstruction.

Le repêchage amateur de 2020 est un moment crucial de l’histoire de la franchise. Et il est un peu tôt pour vraiment évaluer le travail des recruteurs, lors de cette journée.

On peut déjà affirmer qu’ils ont vu juste quand est venu le temps de sélectionner deux des cinq meilleurs espoirs. À 20 ans, Stützle est déjà capable de jouer le rôle de centre numéro un. Grâce - entre autres à lui, les Sénateurs misent sur un des meilleurs jeux de puissance de toute la LNH. Il est de plus en plus efficace lors des infériorités numériques.

Jake Sanderson impressionne, à sa première saison chez les pros. Il pourrait devenir un défenseur numéro un. Troisième joueur choisi en première ronde, Ridly Greig vient de disputer son premier match dans la grande ligue. Egor Sokolov représentera les Senators de Belleville au Match des étoiles de la Ligue américaine. Pourra-t-il faire le grand saut, à son tour, un jour?

Les Sénateurs espèrent que Tyler Kleven quittera l’Université du Dakota du Nord au terme de la présente saison. Les Sénateurs manquent un peu de robustesse à la ligne bleue. Éventuellement, il pourrait avoir un impact. On ne parle pas beaucoup du gardien Leevi Merilainen, non plus. Il semble connaître une superbe saison, chez lui, dans la SM-liiga finlandaise. D’ici deux ans, on devrait en savoir plus long.

ET MAINTENANT?

Dans une récente entrevue, Dorion a déclaré qu’il ne savait pas, encore, s’il se rangerait dans le camp des vendeurs ou des acheteurs, à l’approche de la date limite des transactions de 2023. «On ne sait jamais. Notre équipe pourrait se mettre à gagner la majorité de ses matches. Ça pourrait changer la donne...» Avec les jours qui passent et les revers qui s’accumulent, il faut se rendre à l’évidence. Les Sénateurs ne remonteront pas la pente. Une autre saison se terminera très tôt.

Dorion va donc vendre, même si ses tablettes sont presque vides.

Les vétérans Travis Hamonic et Nick Holden ont un peu de valeur. Les formations qui souhaitent se rendre loin, en séries, ont besoin de huit - ou même neuf - défenseurs capables d’évoluer dans la LNH.

Cam Talbot? Il connaît une saison décevante. Une équipe qui attaque le dernier droit avec des gardiens fragiles pourrait quand même se laisser tenter.

Austin Watson? Ses années les plus productives sont peutêtre derrière lui. Il demeure bon joueur d’équipe, toujours prêt à bloquer des tirs. Il ne se plaindra jamais si on lui confie un rôle très limité. Quelqu’un, quelque part, pourrait lui tendre une perche. Dorion sera peut-être capable de mettre la main sur deux ou trois choix de repêchage de plus. Une organisation de la LNH n’a jamais trop de choix à sa disposition.

MAG SPORTS

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2023-01-28T08:00:00.0000000Z

2023-01-28T08:00:00.0000000Z

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