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Et si on abolissait les régimes d’épargne-études?

DANIEL GERMAIN CHRONIQUE dgermain@cn2i.ca

Je vous imagine vous étouffer avec votre café, projetant votre carburant matinal sur ma grosse face sympathique imprimée dans votre journal. «Traître! Comment un chroniqueur de finances personnelles peut-il suggérer l’abolition du compte enregistré le plus payant de la galaxie? Chérie, viens voir! Germain est tombé sur la tête.» Je vous entends, particulièrement les grands-papas et les grandsmamans qui veillent à garnir le régime enregistré d’épargneétudes (REEE) de leur postérité.

Je pense aussi à l’ami PierreYves McSween, pour qui le REEE représente la 8e merveille du monde.

Je persiste : tuons-le (le REEE, pas McSween).

Je ne remets pas en cause l’objectif du régime. Il vise à inciter les parents à épargner en vue des études postsecondaires de leur progéniture. Par là, on veut favoriser l’accès à l’éducation supérieure au plus grand nombre possible, pas seulement aux ménages qui en ont les moyens.

Je vous rappelle les grandes lignes.

N’importe quel adulte peut ouvrir un REEE au bénéfice de n’importe quel enfant. On s’entend, c’est surtout une affaire de famille. Les cotisations annuelles donnent droit à des subventions de 20 % en provenance du fédéral et de 10 % de la part du provincial. Chaque année, elles sont plafonnées à 750 $, avec une limite cumulative de 10 800 $, par enfant. Ces subventions annuelles sont un peu plus généreuses pour les ménages à faibles revenus.

Les cotisations et les subventions fructifient à l’abri de l’impôt, le REEE permet les mêmes types de placements qu’un REER ou un CELI. Les rendements seront imposés plus tard, entre les mains de l’étudiant. Il n’y aura donc pas d’impôt, ou très peu, à payer. Le bénéficiaire touchera également les subventions. Quant aux cotisations, les parents peuvent en faire ce qu’ils veulent.

Par ailleurs, le gouvernement fédéral offre aussi le «bon d’études canadien» (BEC) aux ménages à faible revenu. Ça consiste en une aide supplémentaire de 500 $ la première année, et de 100 $ les années subséquentes, pour un total de 2000 $. L’aspect intéressant du BEC, c’est que les parents n’ont pas à déposer un sou dans le REEE, bien qu’ils doivent en ouvrir un.

Voilà le portrait. Et maintenant, qu’est-ce qui cloche?

Bah, c’est un peu le même problème que j’ai soulevé l’autre jour avec le CELIAPP, lequel profitera surtout à des gens qui auraient acheté leur maison de toute façon. Ceux qui tirent le plus parti du REEE, qui récoltent le plus de subventions et qui génèrent le plus de gains à l’abri de l’impôt sont ceux qui n’auraient aucun mal à payer les études de leurs enfants sans l’existence du régime épargne-études.

Les ménages à faibles revenus, pour lesquels le programme offre quelques extras, en bénéficient beaucoup moins. L’écart s’explique en partie par des lacunes en littératie financière, mais le principal facteur repose sur les moyens financiers.

Les ménages à faibles revenus bénéficient beaucoup moins du régime épargne-études

Un dessin n’est pas nécessaire ici, mais je citerai quand même quelques données publiées par Statistique Canada. Un rapport récent (septembre 2022) de l’organisme fédéral souligne que les ménages les plus susceptibles d’investir dans un REEE sont ceux qui gagnent des revenus élevés et qui disposent d’actifs liquides. Par là, on réfère surtout à de l’argent qui dort dans des comptes bancaires ou des placements facilement encaissables. Une maison n’en fait pas partie.

Parmi les familles qui appartiennent à la tranche des 20 % empochant les revenus les plus élevés, plus de la moitié (54 %) détient une «richesse liquide élevée», selon le rapport. Cette proportion diminue rapidement à mesure qu’on descend sur l’échelle de revenu. En bas, les familles qui possèdent principalement des avoirs liquides sont rares (à peine plus de 11 %), et leurs actifs sont faibles. Chez celles-là, les placements en REEE s’élèvent en moyenne à 5600 $. Toujours en bas, 71 % des ménages n’ont pas ou peu de liquidités disponibles, les avoirs à l’intérieur des REEE ne dépassent pas 3000 $ pour eux, en moyenne.

Si on remonte en haut, chez les ménages avec une richesse liquide élevée, le REEE contient en moyenne 29 000 $.

Disons qu’on ne tue pas le REEE, mais peut-on conclure qu’il rate la cible?

Lien vers l’étude : https://bit. ly/3HdFuGU.

Revenons sur un point, le BEC. C’est bien sympathique d’offrir 2000 $ sur 16 ans aux familles moins nanties, mais vous conviendrez que ce n’est pas avec ça qu’on défonce les portes de l’université aujourd’hui. Si Ottawa voulait améliorer cet aspect, il pourrait au moins indexer les montants avec les années. Le BEC n’a pas augmenté depuis 2004.

Depuis l’année dernière, et là, prenez des notes, le BEC peut être demandé rétroactivement par le bénéficiaire lui-même. Qu’est-ce que ça veut dire? Si un ménage s’était qualifié pour le BEC et que les parents ne l’ont pas réclamé, l’enfant, maintenant âgé de

18 ans, peut s’en charger.

Seulement, pour lancer cette démarche, il faut être né en 2004 ou après. L’étudiant doit être inscrit dans un programme postsecondaire reconnu et ouvrir un REEE auprès d’une institution financière, en fournissant une preuve d’inscription. De 500 $ à 2000 $ peuvent l’attendre, selon le nombre d’années durant lesquels il était admissible.

AFFAIRES

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2023-01-28T08:00:00.0000000Z

2023-01-28T08:00:00.0000000Z

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