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À mon Bernard d’Amérique

LISE RAVARY CHRONIQUE Collaboration spéciale lravary@yahoo.com

Je me permets de te tutoyer, car nous avons travaillé ensemble à la radio, alors que tu animais Drainville PM chez Cogeco Média. Je n’en garde que de bons souvenirs malgré quelques prises de bec mémorables.

Nous n’étions pas faits pour nous entendre: sous le gouvernement Marois, je m’étais opposée publiquement à la charte des valeurs québécoises que tu portais avec fougue. À la manière Drainville, quoi. Mais bon prince, tu m’as accueillie chaleureusement dans ton équipe et quand tu as annoncé ton retour en politique, j’ai applaudi, sachant que tu aurais un impact du tonnerre, qu’importe le ministère qu’on allait te confier. J’espérais que ce soit l’éducation.

Ce le fut, alléluia! Enfin, quelqu’un qui n’aura pas peur des bureaucrates et des syndicats sclérosés.

Les ronds-de-cuir, les néomarxistes, les défonceurs de portes ouvertes et les idéologues à la mode n’auront qu’à bien se tenir, me suis-je dit. Les «pédagocrates» du ministère de l’Éducation dormiront désormais avec un oeil ouvert.

Le Bernard d’Amérique, un oiseau rare, veille au grain.

L’homme de sens que tu es, pensais-je, saurait enfin briser le moule égalitariste hérité de la réforme des années 2000, quand les élèves apprenaient à s’exprimer sans s’empêtrer dans des règles grammaticales poussiéreuses.

Même si le Québec obtient des résultats semblables à ceux de la Finlande-la-studieuse dans les tests internationaux PISA – parce que des profs entêtés tiennent la patente de l’Éducation à bout de bras – c’est la catastrophe. Tu le sais mieux que quiconque, maintenant que tu as les pieds dans la maison en feu. Découvrir qu’on exempte des élèves en difficulté de la 6e année du primaire pour une raison administrative a dû te faire bondir.

Jeudi, je me suis installée devant mon écran pour ne rien perdre de l’annonce tant attendue de notre nouveau ministre de l’Éducation mais, hélas, je n’ai pas reconnu le Bernard Drainville de légende. Je me suis même demandée si la maudite machine n’essayait pas de t’édenter toi aussi, de te mettre au pas, de te faire entrer dans le rang. De faire de toi un ministre qui ne rouspète pas trop fort.

Un béni-oui-oui de savants fonctionnaires.

J’avais hâte de découvrir tes priorités. Quelle ne fut pas ma déception de constater qu’elles ne vont pas beaucoup plus loin que ce que la CAQ fait miroiter depuis son arrivée au pouvoir: revoir la formation des enseignants (les universités suivrontelles?); embaucher plus de spécialistes pour les enfants en difficulté (on les prendra où?); renouveler l’enseignement du français, (comment a-t-on pu laisser les choses détériorer à ce point?) ; poursuivre la remise à niveau des écoles et la construction d’établissements modernes (une nécessité).

Tu as eu par contre le courage d’annoncer aux excités de l’égalitarisme absolu qu’il y aura encore plus de projets particuliers à l’école publique, sport-études, arts-études, etc., et pour tous, mais j’aurais aimé qu’on envisage aussi d’augmenter le nombre d’heures en classe. Et même le nombre d’années à l’école.

Une grosse étoile aussi à ton cahier du ministre qui veut redorer le blason de la formation professionnelle, une des clés du succès des Finlandais. Il était temps. L’université ne convient pas à tous.

Par contre, au lieu de reprendre la rengaine de la réussite éducative, source du bidouillage des notes, j’aurais aimé t’entendre parler de transmission de connaissances, de ce qu’on enseigne dans nos écoles, pas seulement qui, combien, comment et où ça se passe.

J’aurais aimé que tu parles de la valorisation des maîtres, comme on disait à l’époque où l’instituteur du village récoltait était aussi respecté que le médecin et le maire. Les facultés d’éducation doivent cesser d’être des déversoirs de refusés de programmes plus exigeants.

Il faudrait aussi faire prendre conscience aux parents qu’ils sont trop souvent le maillon faible du système. Trop ne s’en préoccupent guère alors que d’autres harcèlent, intimident les enseignants qui ne voient pas que leur petit paresseux est un futur Einstein.

Il y a tant à faire et un éléphant ça se mange une tranche à la fois. Malgré une entrée en scène qui ne te ressemblait pas, je crois que tu es l’homme de la situation, un des rares politiciens qui pourrait enrayer le nivellement par le bas qui, en bout de compte, afflige la société québécoise au grand complet.

Il faut ce qu’il faut.

OPINIONS

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2023-01-28T08:00:00.0000000Z

2023-01-28T08:00:00.0000000Z

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