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L’urgence de «sortir du cadre»

DANIEL LEBLANC dleblanc@ledroit.com

Il est 15h15, la cloche sonne et des dizaines d’enfants quittent à pied vers la maison, se dépêchent de monter à bord d’autobus ou encore se fraient un chemin à la hâte jusqu’au stationnement où les attendent leurs parents dans des véhicules qui se suivent à la queue leu leu.

Cette scène routinière, observée par Le Droit mercredi après-midi à la sortie des classes aux abords de l’école du Bois Joli, se répète dans des centaines d’écoles chaque jour souvent sans que trop de questions se posent sur un thème pourtant fondamental et rassembleur: la sécurité dans les zones scolaires.

«Ça roule très vite ici (sur ce tronçon du boulevard St-René Est), malgré la limite de 30 km/h. C’est la même chose sur le chemin Dalton. Je suis parfois inquiète pour les enfants qui marchent sur le bord. C’est bien aussi qu’il y ait un brigadier adulte mais honnêtement, certains ne font même pas leur arrêt (à l’intersection), ne font pas attention. Ce serait inquiétant s’il n’était pas là. Même les gens qui entrent dans le stationnement roulent très vite. Il faut baisser les limites, peut-être augmenter la présence policière», lance une mère de famille.

Résidente d’une rue avoisinante et mère d’une enfant en deuxième année, Annie Marcil nous a indiqué avoir été témoin à quelques reprises d’incidents où des véhicules qui roulaient à trop haute vitesse ont perdu le contrôle puis percuté un poteau dans la courbe en face de l’école.

«Il y a souvent des policiers ici et on les voit constamment en train d’arrêter des conducteurs», dit-elle.

Souhaitant prendre le taureau par les cornes, des groupes de parents et des organismes dont MOBI-O, Mères au front et Action vélo Outaouais ont uni leur voix cette semaine en joignant le mouvement provincial qui vise à resserrer l’étau sur le gouvernement du Québec pour que cesse «l’insécurité» et que soit adopté une stratégie provinciale concrète visant à renforcer le sentiment de sécurité aux abords des écoles.

«On fait des plans de déplacement scolaire pour aménager de façon plus sécuritaire, pour favoriser la marche et le vélo, mais on sait qu’il faut en faire davantage. Et pour cela, il faut des moyens, sortir du cadre, regarder en dehors de la boîte. Ça demande l’implication de tous les acteurs, plus de ressources. Pas plus tard que dans les années 70, 80% des enfants marchaient ou prenaient leur vélo pour se rendre à l’école, alors qu’au début des années 2000, ça variait entre 30% et 40%», affirme Patrick Robert-Meunier, directeur général de MOBI-O.

Mère d’enfants au primaire impliquée dans le mouvement Mères au front, la Gatinoise Amandine

Caudron estime que tout un chacun doit contribuer à sa façon à sécuriser les zones scolaires, mais que le signal clair doit être envoyé par Québec. Ça ne doit pas reposer strictement sur les épaules des parents, pour qui le choix n’est pas toujours «évident».

«Ce n’est pas une occasion de culpabiliser les parents, mais plutôt de culpabiliser le gouvernement de ne rien faire. Il faut les infrastructures nécessaires pour se déplacer en toute sécurité. [...] Devant notre école (Lac-des-Fées), il y a des affiches qui permettent le stationnement, les enfants sortent tout excités pour rejoindre leurs parents, près des véhicules. Un piéton ou un cycliste ne devrait pas se sentir vulnérable quand il se déplace et le gouvernement doit se dire que la voiture n’est plus le moyen de transport numéro un des gens. Il doit penser autrement. Nous ne sommes pas obligés de tout détruire et recommencer à zéro, ça peut être par exemple de retirer une voie de circulation pour la dédier au transport actif (près des écoles), plaide-t-elle.

M. Robert-Meunier soutient que le fait que plusieurs parents se sentent dans certains quartiers plus confortables de venir reconduire leur enfant à l’école en véhicule – pour des raisons multiples qui leur appartiennent dit-on – créé qu’on le veuille ou non un cercle vicieux.

«Ça fait plus de véhicules dans les rues. [...] Ce qu’il faut, c’est donner plus de ressources aux municipalités pour agir, car ça coûte cher à aménager. Les villes n’ont pas l’argent pour l’assumer seules, sinon il faudrait couper ailleurs et ce n’est pas ce qu’on veut. Il faut se réapproprier le pourtour des écoles», dit-il.

En plus de l’ajout de mesures traditionnelles de ralentissement de la circulation comme les bollards, les dos-d’âne, les balises flexibles et les radars pédagogiques, le groupe souhaite qu’on aille plus loin et demande à ce qu’on songe aux rues-écoles, un modèle testé entre autres à Montréal.

La rue-école consiste à ce qu’une rue située aux abords immédiats d’un établissement scolaire soit fermée à la circulation automobile de 15 à 90 minutes matin et soir aux heures d’arrivée et de départ des élèves, pour créer un environnement convivial et plus sécuritaire, en plus d’encourager la mobilité des enfants et le jeu libre.

Soulignant que le recours aux services policiers implique des montants «exorbitants» en sol gatinois, Mme Caudron affirme que le concept peut se réaliser grâce à des barricades et à l’implication à la fois de bénévoles, de parents et de membres du personnel. La proposition ne s’applique pas à toutes les écoles et une étude individuelle de chaque quartier s’imposerait, diton, sachant que la configuration varie pour chaque établissement.

«Ce n’est pas coûteux et c’est une solution à court terme», clame-t-elle.

Un scénario pour lequel il y a «matière à discussion», selon des parents interrogés par Le Droit.

Les alternatives comme le cyclobus et le trottibus, qui permettent aux enfants d’utiliser le transport actif de façon sécuritaire et encadrée par des adultes de leur quartier, doivent aussi être davantage exploitées, selon MOBI-O.

RESPONSABILITÉ COLLECTIVE

La mairesse de Gatineau, France Bélisle, s’avoue elle aussi préoccupée par toute cette question mais rappelle que tout le monde a des devoirs à faire à cet égard.

«On a des corridors scolaires sur notre territoire, c’est un geste concret qu’on a posé. La question de limites de vitesse est préoccupante pour le conseil. On sait qu’il y a une différence immense entre 40 et 50 km/h, que ça peut faire une différence, donc c’est un élément qui sera traité par la commission sur les transports. La sécurité on en parle beaucoup à la rentrée scolaire, les automobilistes sont plus vigilants, mais les limites de vitesse, le respect de la vitesse c’est tous les jours. On a collectivement une responsabilité de se le rappeler», note-t-elle.

Selon certaines études, une diminution de la vitesse moyenne de circulation de 5 km/h permettrait de réduire annuellement de 15% le nombre d’accidents, indique la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ).

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2023-01-28T08:00:00.0000000Z

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