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La soupape de la liberté

DENIS GRATTON CHRONIQUE dgratton@ledroit.com

«Premier anniversaire du Convoi de la liberté», titrait-on il y a quelques jours.

C’est drôle, mais j’ai toujours eu tendance à lier le mot «anniversaire» à un événement joyeux et inoubliable. Comme un anniversaire de naissance ou un anniversaire de mariage. Comme un moment à célébrer.

Mais bien sûr, le mot et l’adjectif «anniversaire» peuvent aussi être utilisés pour souligner un moment marquant dans l’histoire. Comme on a récemment souligné le 25e anniversaire de la «tempête du verglas». Et comme nous soulignons cette année le premier anniversaire du «Convoi de la liberté».

Il n’y avait rien de jojo pendant la tempête de verglas de 1998. Comme il n’y avait rien de jojo l’an dernier lorsque le convoi dit de la liberté a paralysé le centreville d’Ottawa pendant presqu’un mois.

Bref, le mot «anniversaire» peut nous rappeler des moments inoubliables, comme il peut nous rappeler des moments qu’on voudrait oublier.

Un an déjà. Un an que des convois venus de partout au Canada se rassemblaient sur la colline parlementaire pour exiger la levée de l’obligation vaccinale, de toutes les mesures sanitaires et rien de moins que la démission du premier ministre canadien, Justin Trudeau. Pour le remplacer par qui? Maxime Bernier? Bernard «Rambo» Gauthier? Un Farfadaa? Sais pas. On voulait la «liberté», bon. La totale.

Il était clair que cette manifestation devenait rapidement du gros «n’importe quoi». Et que ça allait être long…

Long et très peu glorieux. La Police d’Ottawa complètement débordée qui baisse les bras. Les bruyants klaxons des camions qui résonnent jour et nuit. Les résidents du centre-ville qui s’enferment chez eux par crainte de sortir et de croiser des manifestants agressifs. La dégradation de la statue de Terry Fox.

La Tombe du Soldat inconnu transformée en stationnement. Le Centre Rideau qui doit fermer ses portes pendant trois semaines encourant des pertes de 2,5 millions de dollars par jour, dit-on. Presque neuf commerces sur 10 de la rue Sparks qui doivent aussi fermer leurs portes pendant toute la durée de l’occupation. Certains manifestants qui exigent d’être nourris par une soupe populaire pour les sans-abri d’Ottawa…

Le chaos s’était installé. Le désordre régnait. Le diable était aux vaches.

Non, rien de glorieux dans tout ça. C’est un premier anniversaire qu’on voudrait oublier, mais qui ne s’oubliera jamais.

Mais il y a peut-être eu un petit côté positif à ce Convoi de la liberté. Oui, un côté positif.

Cette manifestation historique s’est peut-être aussi voulue une soupape pour de nombreux Canadiens. Beaucoup, beaucoup de personnes - vous m’excuserez le jeu de mots qui suit - en avaient leur truck des deux dernières années.

Les confinements à répétition. Les vaccins à recevoir à succession. Les masques à porter. La distanciation sociale. Les directives gouvernementales improvisées. Le télétravail obligatoire. L’école à la maison. Les Fêtes annulées.

La pandémie est venue changer la vie des gens «boutte pour boutte». Parce que ça ne s’arrêtait pas aux confinements et aux mesures sanitaires. Il y avait les conséquences à tout ça.

Hausse des dépressions, beaucoup chez les jeunes. Hausse d’incidents de violence conjugale. Pertes d’emplois. Pénurie de main d’oeuvre. Commerces obligés de mettre la clé sous la porte. Aînés confinés et, dans certains cas, oubliés. Hôpitaux débordés. Professionnels de la santé épuisés. La liste se poursuit et elle est longue.

Je crois que les gens voulaient juste lancer un grand cri collectif: «Assez! C’est assez!!»

Puis le «Convoi de la liberté» est arrivé… La soupape tant attendue.

Parce que n’oublions pas que des milliers de personnes qui n’avaient rien à voir avec le convoi se sont tout de même rassemblées à Ottawa en appui aux camionneurs.

N’oublions pas que le «Convoi de la liberté», qui a débuté en Colombie-Britannique, a été applaudi et encouragé sur sa route vers Ottawa par des milliers de Canadiens de toutes les provinces qui se rassemblaient sur le bord des autoroutes et sur les viaducs pour montrer leur soutien.

N’oublions pas que de nombreux curieux d’Ottawa (des familles dans certains cas) se rendaient au centre-ville les fins de semaine pour voir et prendre part à ce bordel improvisé. On y allait par centaines, de quoi faire rougir de jalousie les organisateurs du Bal de neige. Les week-ends et en soirée, la manifestation se transformait en fête avec musique, danse, chants, alcool, cannabis et feux d’artifice devant le parlement. On a tous gravé en mémoire la scène du bain tourbillon installé en pleine rue Wellington! C’était le «free for all».

N’oublions pas que les dons du public reçus par les organisateurs du convoi se chiffraient en millions de dollars.

Le «Convoi de la liberté» a été en quelque sorte le «assez!» que plusieurs voulaient hurler depuis longtemps. La soupape dont on avait tant besoin. Appelons-la: la soupape de la liberté.

Ce chaos au centre-ville d’Ottawa devait évidemment cesser. Mais pendant le temps qu’a duré cette occupation, plusieurs auront eu la chance de libérer toute cette rage et cette frustration accumulées depuis mars 2020.

Et les gouvernements ont compris que le temps était venu de redonner à la population un semblant de retour à la vie normale.

Il faut le souligner ce premier anniversaire du «Convoi de la liberté». Le souligner afin qu’on ne l’oublie jamais. Le souligner afin de ne jamais répéter les erreurs qui ont mené à cette colère et ce mouvement populaire.

Le souligner afin de s’assurer qu’il ne se reproduise jamais.

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