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DANS LE TEMPS ET L’ESPACE

STEVE BERGERON

« Après qu’on s’est parlé, j’ai titré ça Mes 365 jours de nuit », raconte Patrice Michaud à propos de cette entrevue de juin 2019, au cours de laquelle il parle de l’année entière, d’un novembre à l’autre, où il s’est imposé d’écrire tous les jours. Peu importe si cela donnait des chansons, des poèmes, un roman, voire un livre pour enfants — des éléments de sa Soupe aux allumettes, paru en avril, en sont d’ailleurs issus —, l’objectif était d’obtenir quelque chose de satisfaisant chaque jour. Derrière cet exercice de discipline et de contrainte, il souhaitait notamment ne pas traverser le même désert que pour le disque d’avant.

Retour à une autre entrevue, cellelà en janvier 2017, quelques jours avant le lancement d’Almanach. Michaud raconte le vide d’inspiration vécu alors qu’installé dans la maison estrienne de France Beaudoin et Vincent Graton, prêtée par eux, il tente de faire naître du nouveau matériel, en vain. Il se sortira de l’impasse en couchant ses propres mots sur Temazcal de

Monsters of Folk, ce qui donnera

Si près du soleil.

« Je n’ai pas revécu ça du tout. L’imprévisible, cette fois, est venu d’ailleurs », dit-il, en référence à la pandémie qui a forcé le travail à distance avec ses collègues musiciens, puis l’animation de Star Académie l’ayant obligé à une pause durant le processus.

« Mais les deux cahiers de notes issus de ces 365 jours ont été le minerai de base de toutes les chansons que j’ai écrites... et plus que ça. J’ai encore beaucoup de matériel que je peux utiliser pour la suite. Le fait d’avoir écrit dans ce mode-là a provoqué des choses. Les jours où tu n’as pas envie d’écrire mais où tu t’obliges à le faire, ça se peut que tu parles de sujets dont tu n’avais pas prévu parler, que tu abordes des thèmes auxquels tu ne pensais pas avoir accès. »

Patrice Michaud a également essayé d’aller ailleurs au moment de composer la musique. « J’ai voulu me permettre de faire autrement. Je compare ça à du golf une journée de grand vent : tu frappes consciemment la balle dans une direction en sachant que le vent va te ramener. Il ne faut donc pas avoir peur d’expérimenter, parce que ta signature artistique, que tu veux conserver mais que tu remets aussi en question, te ramène dans une zone quelque part entre les deux. Je pense que ça donne un disque différent du précédent, mais où je reste tout à fait reconnaissable. »

VELOURS D’APESANTEUR

Les nouvelles épices de ce Grand

voyage désorganisé paru vendredi, et dont il a confié la réalisation à Alex McMahon, se perçoivent notamment par une poésie qui ose parfois donner moins de clefs, un accent accru sur la voix (la sienne comme celle des choeurs), l’ajout de cordes, un recours plus prononcé aux claviers et aux sons de synthèse. Mais ce qui se dégage le plus, c’est la couleur très 1970 imprimée sur plusieurs plages, dans la signature sonore, mais aussi quelques textes, voire la structure dans le cas d’Un coeur

de baleine bleue, qui, avec sa rupture de rythme et d’atmosphère en plein milieu, flirte avec le rock progressif.

« Étant un enfant des années 1980, j’ai entendu et consommé ces sonorités toute ma vie. Mais mon immersion dans cette vibe-là fait plutôt partie de mon histoire récente. Certaines chansons, comme La grande évasion, ne sont pas dans cet esprit, mais globalement, j’ai essayé de mettre une bonne dose de velours d’apesanteur sur cet album. On regarde les étoiles, mais on n’est pas si loin du sol. J’ai eu beaucoup de fun à fouiller dans cette zone. »

Impossible, dès lors, de ne pas parler du lancement, en 1977, de Voyager I et II, qui teinte non seulement la chanson Golden Record

(le disque doré en question est celui placé dans les sondes, contenant de multiples informations sur l’humanité), mais aussi 1977 et Un point bleu pâle, pièces d’ouverture et de clôture. En fait, c’est cette vision existentialiste de la condition humaine — celle de s’émanciper, de s’élancer vers l’inconnu malgré la peur, de s’ouvrir aux autres et d’espérer la rencontre —, qui peut être vue comme le fil conducteur du Grand voyage désorganisé.

« Tu peux mettre tout ce que tu veux là-dedans : la mort, l’amour, la quête de soi-même, la difficulté d’y inviter les autres. Plusieurs chansons transitent par ces questionnements-là. »

Et pourquoi ne pas profiter du fait que 1977 soit aussi l’année du mariage de ses parents pour « fantasmer » leur histoire d’amour ?

« Dans mon cas, c’est quand même un événement déterminant : sans ça, je ne suis pas là ! rigole-t-il. Quand ils l’ont écoutée, ils m’ont dit que ça ne s’était pas tout à fait passé comme ça. "Mais ça, on s’en fout ! leur a-t-il répondu. Ça parle de vous, mais il faut que ça parle tout court !" Le croche des Capucins, c’est une énorme falaise sur la 132 où tout le monde allait écrire "Serge + Linda" à la canette de peinture. Mais en dehors de ça, il faut que ça devienne universel. Je voulais quelque chose de très lumineux et amoureux pour ouvrir l’album. C’est d’ailleurs la dernière chanson que j’ai écrite. Ce n’est pas mon album le plus facile d’écoute, mais je tenais à ce qu’il y ait des choses très terre à terre, tel un jeune homme amoureux d’une jeune femme. »

ARTS

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2021-09-25T07:00:00.0000000Z

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