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Lettre aux Franco-Ontariens

Avocat, professeur titulaire à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa et ex-politicien

Le Québec et l’Ontario ont en partage plus de 400 ans de relations, d’histoire et d’expériences conjointes depuis la fondation de Québec en 1608 et les percées de Champlain en Ontario dès 1615. Toutes ces années ont été marquées par des moments d’amitié et de solidarité certes, mais aussi d’ignorance et de ruptures. Pourtant, les Québécois vous doivent beaucoup, Franco-Ontariens. Votre résilience et votre détermination n‘ont d’égal que votre dynamisme et votre sens de l’engagement

Votre slogan et cri de ralliement « nous sommes, nous serons » m’interpelle et me rappelle que, au fond, en tant que francophones, c’est ensemble que nous sommes! Je veux dire par cela que nous ne serons, comme francophones, que dans la mesure où nous serons unis et travaillerons ensemble. J’oserais presqu’ajouter, sur un plan plus philosophique, que c’est ensemble que nous sommes cet ensemble que nous sommes. Car nous formons tous une même et grande famille. La langue française nous sert de patrie, comme le disait Albert Camus le 10 décembre 1957; elle construit nos affinités et consolide notre unité.

Pour décrire cet ensemble que nous formons, je n’hésite pas à utiliser le mot « nous » malgré qu’il soit devenu quelque peu tabou. C’est le seul mot que je connaisse qui parvient à nous décrire comme un tout qui nous transcende chacun individuellement, comme un tout solide, cohérent. Mais ce « nous », il nous appartient de le définir de façon inclusive, accueillante, moderne, ouverte et généreuse. Je pense ici notamment aux nouveaux venus et à ces immigrants qui, à toute époque pertinente, ont choisi la francophonie comme société d’accueil. Ils doivent se sentir bienvenus dans l’univers francophone canadien. Ils doivent pouvoir s’y épanouir librement.

Car, quand on aime vraiment une langue, on veut que celle-ci progresse et qu’elle soit partagée par le plus grand nombre d’individus. Voilà précisément pourquoi la francophonie canadienne ne doit pas hésiter à ouvrir toutes grandes ses portes à l’immigration. Si certains immigrants ne peuvent partager notre histoire commune, en raison tout simplement du fait qu’ils n’étaient pas ici lorsque celle-ci s’est déroulée, au moins qu’ils partagent l’avenir avec nous.

En fait, en tant que francophones vivant au nord de ce continent, nous sommes tous minoritaires. Parce que nous sommes tous dans le même bateau, nous devons ramer dans la même direction. Et pour ramer dans la même direction, nous devons mieux communiquer entre nous, nous devons nourrir d’espoir nos consciences collectives respectives et chercher à aligner nos aspirations. Bref, que l’on soit Franco-Ontarien ou Québécois, c’est une véritable communauté de destins et d’intérêts que nous sommes appelés à vivre et qui nous rassemble.

Le français n’est pas une langue comme les autres dans l’ensemble canadien. Il a des racines historiques et une perspective ou une force bien contemporaine. Après tout, il est l’une des deux langues officielles du Canada.

À cet égard, il est péremptoire que l’on cherche à donner tout son sens au bilinguisme et à la dualité linguistique dans ce pays. Cette dualité découle ellemême de la présence de deux groupes linguistiques majoritaires — deux grandes sociétés d’accueil — qui cohabitent dans un ensemble, le Canada, où les communautés de langue minoritaire se déploient sur tout le territoire. Soit dit en passant, le bilinguisme luimême ne doit pas être vu comme un obstacle au «multiculturalisme», pour ceux et celles qui tiennent à ce dernier concept. En effet, le premier, le bilinguisme, évolue dans un environnement langagier alors que le second, le multiculturalisme, se développe essentiellement dans un contexte culturel. Le bilinguisme ou la dualité linguistique n’empêche pas non plus l’affirmation, hautement souhaitable, des langues autochtones dans l’ensemble canadien.

Cette langue que nous partageons, le français, est le véhicule vivant de nos identités respectives. La précarité de notre langue et des cultures qu’elle véhicule nous procure une compréhension unique du système politique canadien, une ouverture sur le monde et une sensibilité à l’égard d’autrui et de sa différence.

La langue française fait partie de mon être, comme c’est le cas pour vous également. Elle est langue de communication, d’échanges, de rencontres et de retrouvailles. Elle permet le dialogue et même la convergence entre tous ceux qui la parlent, la comprennent, l’aiment, la promeuvent. Elle nous identifie, à un point tel d’ailleurs que l’on peut dire que celui qui ne se porte pas à la défense de sa langue ne se porte pas à la défense de lui-même.

Le 13 septembre 1842, Louis-Hippolyte La Fontaine, au Parlement de la colonie, sous cet Acte d’Union qui réunissait alors l’Ontario et le Québec sous un même gouvernement, a débuté ainsi son premier discours en français : « Parler français, je le dois à mes compatriotes; je me le dois à moi-même ».

Et bien, ce qui était vrai en 1842 l’est encore plus de nos jours, en cette ère où l’anglais s’impose comme lingua franca et langue de la modernisation : Parler français, nous nous le devons à nous-mêmes!

Bonne Fête, amis Franco-Ontariens. Merci d’être ce que vous êtes, collectivement et personnellement.

Benoît Pelletier

OPINIONS

fr-ca

2021-09-25T07:00:00.0000000Z

2021-09-25T07:00:00.0000000Z

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