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LE BATEAU ÉLECTORAL PREND L’EAU

JEAN-MARC SALVET jmsalvet@lesoleil.com

La persistance du décrochage électoral montre un bateau qui prend l’eau.

Depuis tard lundi soir, depuis que l’on connaît les résultats du scrutin fédéral, on a beaucoup parlé de l’échec de Justin Trudeau, de la défaite d’Erin O’Toole, de l’insuccès de François Legault qui souhaitait l’élection d’un gouvernement conservateur minoritaire. On a également pu relever à quel point le score du Bloc québécois n’est pas à la hauteur de ce que bien des bloquistes avaient espéré après l’indignation soulevée par la question de l’animatrice du débat des chefs en anglais.

Mais on n’a pas suffisamment parlé du médiocre taux de participation enregistré à ces élections.

Au moment d’écrire ces lignes, Élections Canada l’établissait à 61,98 %. Il sera plus élevé de quelques poussières lorsque l’organisme aura terminé son travail. Mais il demeurera dans ces eauxlà. Il s’inscrira comme l’un des plus mauvais taux de participation de l’histoire moderne du Canada.

En 2008, au palier fédéral, 58,8 % seulement des électeurs inscrits sur la liste électorale avaient pris la peine de voter. Pire encore que cette année, donc.

Chaque fois, on peut trouver certaines explications. Cette année, il y a la pandémie. Il y a aussi le fait que ces élections étaient les secondes à se tenir en moins de deux ans, ce qui peut créer une lassitude chez bien des citoyens.

Au Québec, cela étant, on a déjà connu plus épouvantable que le pire taux au fédéral. Lors du scrutin québécois du 8 décembre 2008, le taux de participation au Québec avait dégringolé à 57,43 %. C’était le plus faible enregistré chez les citoyens québécois ayant le droit de vote depuis 1927.

Il faut dire que la précédente élection s’était déroulée en 2007, pas si longtemps avant. Et que l’Action démocratique du Québec, qui avait formé l’opposition officielle entre ces deux moments, avait terriblement déçu. Bien des électeurs adéquistes étaient restés chez eux le jour du vote.

Oui, il y a toujours des explications...

Mais ces taux faméliques ne sont pas que des accidents de parcours.

«CATASTROPHIQUE»

On vote généralement plus aux élections québécoises qu’aux élections fédérales et plus à celles-ci qu’aux élections municipales. Même si des embellies ou des sursauts démocratiques apparaissent parfois — par exemple à la faveur d’enjeux particuliers —, la tendance vue à travers un grand-angle est déprimante.

Ce qui est fascinant est que la chose ne semble plus préoccuper qui que ce soit dans l’espace public. Il y a une dizaine d’années, en entrevue au Soleil, le directeur général des élections du Québec, Marcel Blanchet, avait qualifié la tendance de «désolante» et même de «catastrophique». Qui le dit aujourd’hui? Qui le pense?

Que tout le monde ne vote pas, c’est une chose. Mais que l’on soit ancré dans de tels bas-fonds, c’en est une autre. Le parti des abstentionnistes n’a ni chef ni visage, mais finit trop souvent premier.

Un faible taux de participation n’enlève aucune légitimité à un gouvernement élu, puisque celuici fait tout de même mieux que ses adversaires. Et que c’est à cette aune qu’il faut mesurer les choses. Mais il témoigne de la démission d’un trop grand nombre de personnes de cet esprit participatif auquel il faut veiller.

Que tout le monde ne vote pas, c’est une chose. Mais que l’on soit ancré dans de tels bas-fonds, c’en est une autre

Au dernier scrutin général au Québec, celui ayant permis à François Legault de devenir premier ministre, le taux de participation a été de 66,45 %. Ce n’était pas la mer à boire.

INSOLUBLE?

Le problème est si profond qu’il paraît insoluble. En 2006, pour inverser la courbe, des membres du Parti libéral du Canada avaient proposé de rendre le vote obligatoire. Un cache-misère démocratique en quelque sorte. Le vote obligatoire est si éloigné de nos moeurs politiques que l’idée a heureusement été rejetée.

À notre époque, et sur notre continent, il y aurait quelque chose d’insensé à contraindre les gens ainsi. Un tel projet provoquerait une levée de boucliers. Les abstentionnistes deviendraient rapidement des délinquants.

Alors qu’elle était dans l’opposition, la Coalition avenir Québec avait estimé que permettre aux électeurs de voter par Internet donnerait de l’élan à la participation électorale. François Legault pensait surtout à celle des plus jeunes.

Lorsque nous serons tous convaincus qu’il est sans risque, le vote électronique constituera sûrement un bout de solution un jour. Mais on n’en est pas là. Car il faudra des garanties maximales que l’exercice démocratique ne soit pas piraté avant d’aller de l’avant.

Personnellement, je crains que le vote électronique, lorsqu’il adviendra un jour, désacralise le geste de voter; désacralise sa solennité. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas pour tout de suite.

Mais le problème de fond ne se résoudra sans doute ni par une solution technique ni par une quelconque réforme institutionnelle.

La désaffection électorale est liée à l’érosion de la confiance des citoyens envers la classe politique et les institutions en général.

Cette crise de citoyenneté est un problème de «culture» au sens large, celle dans laquelle baigne toute la société.

(Vous avez des propositions, des idées, pour redresser les taux de participation aux élections fédérales, québécoises ou municipales? Faites-en part aux lecteurs en écrivant à opinions@lesoleil.com)

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