LeDroitSurMonOrdi.ca

LA RADIO AU FÉMININ

GAËLLE KANYEBA gkanyeba@ledroit.com

Qu’ont en commun Jhade Montpetit, Mélanye Boissonnault, Renée Germain et Camille Felton? Elles sont spontanées, colorées, ambitieuses et surtout, elles comptent parmi ces voix féminines qui font les têtes d’affiche sur les ondes radio de la région d’Ottawa-Gatineau, et ce, dès l’aube.

On les appelle aussi des «morning women», car ce qu’elles aiment le plus, c’est d’être la voix qui, dès 5 h 30, réveille les auditeurs.

«Tu es la première personne qui parle à des gens. C’est toi qui leur dis: “Regardez, il va faire beau aujourd’hui. C’est toi qui les divertis, c’est toi qui les accompagnes au travail. Tu es là, dans leur cuisine, quand ils se préparent. Tu deviens comme un membre de leur famille», déclare Renée Germain, animatrice à l’émission matinale Le

Boost pour 104.1 Énergie, puis

Vos classiques au travail.

Pourtant, aujourd’hui encore, une femme qui prend les rênes d’une émission matinale, ce n’est pas quelque chose de complètement acquis, regrette Camille

Felton, animatrice pour La Vibe du Matin, sur Vibe radio. Cette dernière vit sa première expérience à la radio après sa participation à l’émission de téléréalité Big Brothers. Consciente de la chance qu’elle a d’exceller dans un univers traditionnellement masculin, elle confie néanmoins mal comprendre l’absence de parité.

«Je pense que c’est quelque chose qui aurait déjà dû avoir lieu, ça fait vraiment longtemps. Mais malheureusement, l’évolution par rapport aux femmes, ça prend toujours du temps», dit-elle.

Pour Jhade Montpetit, animatrice des Malins sur ICI Première, il s’agit de consolider chaque victoire. «Je suis contente de voir que les femmes ont commencé à avoir accès à ce bassin pour briguer des postes de têtes d’affiche. Parce que nous sommes des humains à part entière et on est autant capable de faire cette joblà que les humains hommes.»

UNE QUESTION DÉPASSÉE?

Pour sa part, Mélanye Boissonnault à la barre des Matins d’Ici à ICI Première est reconnaissante envers ces femmes qui ont travaillé dur avant elle afin de lui paver la voie. Toutefois, parler uniquement de la proportion d’hommes et de femmes est, pour elle, une réflexion dépassée.

«On peut parler de la parité homme-femme, mais j’espère qu’on abordera très rapidement la diversité. Car ça, je la vois peu et je l’entends peu. Même sur toute la question autochtone, je vois peu d’hommes et de femmes issus des Premières Nations en ondes, fait remarquer Mélanye Boissonnault avant de poursuivre. L’Outaouais est la deuxième région choisie par les immigrants [pour y vivre] et le profil de la région est en train de changer, mais on ne les voit pas encore beaucoup sur nos ondes ou un peu partout dans les médias. Il y a présentement dans les écoles de journalisme plus de femmes que des hommes, un peu comme en médecine où on a inversé les proportions. Je suis mère d’une fille et d’un garçon. Et parfois, je me demande si ça ne sera pas un combat pour lui; s’il ne va pas vivre ça en tant qu’homme», lance-t-elle.

Lorsque Jean-Denis Scott, coordinateur du programme Radio à la Cité collégiale, compare l’évolution de ses classes d’aujourd’hui à celles de 2004, l’année où il a commencé à enseigner, il constate que la situation tend à être paritaire. Mais pour lui, quand on parle de marché du travail, il faut se méfier des conclusions hâtives.

«Il y a 30 ans, l’animateur radio – ce qu’on appelait à l’époque l’annonceur — était une figure masculine un peu au-dessus tout. […] Je trouve que la radio est une science molle. Donc il faut faire attention à l’affirmation: “les femmes ont de la difficulté à s’imposer”. Est-ce que ce sont les femmes qui ont de la difficulté à s’imposer ou ce sont les décideurs qui tardent à leur confier un rôle?»

Selon la directrice générale d’Unique FM, Stéphanie Simard, la question devrait être posée différemment.

«On fait ce constat à propos de la proportion d’hommes et de femmes en ondes, mais on devrait se demander si aujourd’hui les femmes souhaitent faire de la radio? L’intérêt pour le métier change chaque année», indique-t-elle.

Renée Germain pousse la réflexion encore plus loin. «Je crois qu’il faut dépasser le stade homme-femme et y aller simplement avec le talent. De plus en plus, on le fait, mais déjà se dire qu’on devrait le dépasser, c’est dire qu’on en fait pas assez. Mais est-ce que ce n’est pas nous, les femmes, qui nous mettons des barrières, en se disant: “je ne devrais pas essayer ça parce que ça ne fonctionnera pas”? Quand mon coanimateur est parti, il n’y a pas une fille qui a donné son nom pour avoir la job. Peut-être que le message lancé ne disait pas assez: “Hey les filles, vous êtes les bienvenues!”»

DISCRIMINATION POSITIVE

En parlant de talent, Mme Montpetit estime qu’il faudrait mettre en place une politique d’intégration pour accroître les chances de chacune et chacun.

«Du talent, il y en a partout. Mais ce n’est pas partout qu’on a accès à la cour pour se faire voir et postuler pour cette job-là. Est-ce qu’il faut encore de la discrimination positive pour que les femmes, les personnes issues de la diversité, puissent se faire voir? J’ai le goût de dire que oui. Parce qu’il n’y a pas d’équité là non plus. À talent égal, je vais prendre la personne la plus talentueuse, je veux que le talent soit récompensé. Mais ce qui n’est pas juste, c’est qu’il y a de grands talents qui n’ont pas la chance de se faire voir. Autant chez les femmes que dans les communautés. Tu ne peux pas dire que le meilleur gagne quand tu as trois joueurs que tu n’as pas vus en entrevue. Je ne pense pas que la job est finie».

LA UNE

fr-ca

2021-09-25T07:00:00.0000000Z

2021-09-25T07:00:00.0000000Z

https://ledroit.pressreader.com/article/281595243680608

Groupe Capitales Media