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DENIS GRATTON dgratton@ledroit.com

Une Montréalaise au sang gaspésien à la tête de l’ACFO d’Ottawa… La nouvelle m’a surpris, c’est le moins qu’on puisse dire. Et la première question qui m’est venue en tête est celle-ci: ne pouvions-nous pas trouver un Franco-Ontarien ou une Franco-Ontarienne pour diriger l’Association des communautés francophones d’Ottawa (ACFO)? Avouez que la question se pose. L’ACFO, par exemple, décerne annuellement les Prix Bernard-Grandmaître. Ne serait-il pas logique que la directrice générale de cet organisme sache au moins qui est Bernard Grandmaître ?

Je vous résume les premiers paragraphes du communiqué de presse:

«La présidence de l’ACFO est heureuse d’annoncer la nomination de Catherine Briand au poste de directrice générale de l’organisme. Catherine Briand est une francophone originaire de l’Ouest de l’Île de Montréal qui, après plusieurs années (16) à titre de directrice générale de la Chambre de commerce et de tourisme de Gaspé, quitte la Gaspésie afin de poursuivre de nouvelles opportunités à Ottawa.»

Donc de Gaspé, une petite ville de 15 000 âmes située à l’autre bout du Québec sur le bord de la mer, au brouhaha de la ville d’Ottawa et de son million d’habitants.

C’est le monde à l’envers ou quoi? Depuis le début de la pandémie, plusieurs ont découvert les joies du télétravail et ont choisi de quitter la ville pour justement s’installer dans des villages aux paysages bucoliques comme celui de Gaspé. Mais Catherine Briand, elle, a choisi de faire le contraire. De Gaspé à Vanier. Le choc culturel sera brutal.

Et non seulement a-t-elle choisi la ville, mais elle se retrouvera à la tête d’un organisme qui a pour mission de promouvoir la francophonie et de valoriser les intérêts collectifs d’une communauté qu’elle ne connaît pratiquement pas, soit la communauté franco-ontarienne.

C’est ce qu’on appelle se lancer dans le vide.

Je l’ai appelée à sa résidence de Gaspé. Je devais lui parler…

Mère monoparentale de jumelles de 21 ans et d’un garçon de 14 ans, Catherine Briand, 46 ans, a grandi et a passé une partie de sa vie adulte dans l’Ouest de Montréal.

«Mais ma famille vient de la Gaspésie et je passais mes étés là-bas, dit-elle. Quand j’ai eu mes enfants, j’ai voulu faire un retour aux sources avec eux et leur offrir un peu la qualité de vie que j’ai eue. J’ai donc déménagé à Gaspé il y a 16 ans et j’ai élevé mes enfants ici.

— Mais vous avez maintenant décidé de revenir en ville.

— Oui, et je n’avais pas le goût de retourner à Montréal. Je voulais vraiment un changement complet. L’une des raisons principales pour lesquelles j’ai choisi la région d’Ottawa est l’offre de services. Il faut comprendre qu’à Gaspé, ce qui s’appelle système d’éducation est un peu moins diversifié qu’à Ottawa. J’ai deux filles qui vont aller à l’université et, dans la région d’Ottawa, elles pourront choisir l’établissement qui leur convient le mieux. Moi aussi j’avais besoin de retourner en ville et d’avoir plus de choix en termes d’activités culturelles, de loisirs et le reste. C’est un choix familial que nous avons fait. Je sais que c’est difficile à comprendre pour ceux qui habitent en ville. Mais ça fait 16 ans que je suis à Gaspé, je pense que j’ai donné à mon milieu tout ce que j’avais à donner. J’avais besoin de nouveaux défis. Et les enfants avaient besoin de vivre l’ambiance et le rythme de la ville.

— Votre décision de venir à Ottawa était-elle prise avant même d’obtenir un emploi ici dans la capitale fédérale?

— Oui. On s’en venait. Ça ne m’inquiétait pas, j’étais pas mal certaine de pouvoir me trouver un emploi. Et pour moi, l’ACFO est une belle continuité du travail de promotion et d’élaboration de stratégies que j’ai fait à la Chambre de commerce de Gaspé. Et les enjeux de l’ACFO me tiennent à coeur. J’ai grandi et j’ai passé une bonne partie de ma vie de jeune adulte dans l’Ouest de l’Île de Montréal où une grande portion de la population est anglophone. Je sais que ce ne sont pas tout à fait les mêmes enjeux (entre les anglophones du Québec et les francophones de l’Ontario), mais je comprends très bien le sentiment lié à ces enjeux-là. J’ai beaucoup de dossiers avec lesquels je devrai me familiariser, je le sais, et j’ai très hâte de travailler avec l’équipe de l’ACFO. Je débute le 1er octobre. »

J’ai terminé notre conversation en lui disant qu’elle découvrira chez les Franco-Ontariens un peuple qui aime avoir du plaisir et qui aime se battre. «Et, on a plus de plaisir quand on se bat!», lui ai-je lancé en riant.

Je pense qu’elle n’a pas tout à fait compris.

Il faudra lui raconter.

Les plus vieux pourront lui raconter les luttes de Penetanguishene, de Sault-Sainte-Marie et de toutes celles gagnées pour l’obtention d’un système scolaire dirigé par et pour les Franco-Ontariens. Si Mme Briand a quelques heures, on lui racontera Montfort et le 22 mars 1997, soit la fois où 10 000 personnes se sont réunies à Ottawa pour crier «Montfort fermé, jamais!», et entonner ensemble Notre Place. Cette chanson mènera la discussion vers Paul Demers. Puis de Paul, on lui parlera de l’APCM (Association des professionnels de la chanson et de la musique) et de tous les jeunes (et moins jeunes) artistes de la francophonie ontarienne. Les jeunes à leur tour pourront lui parler de l’Université de Sudbury, de L’Écho d’un peuple et lui raconter la lutte qu’ils ont menée pour obtenir l’Université de l’Ontario français à Toronto. Puis on pourra tous lui parler du 1er décembre 2018 et du plaisir fou qu’on a eu à se rassembler dans les rues de l’Ontario pour lutter.

Mme Briand comprendra vite notre autre combat pour une capitale nationale bilingue puisque c’est l’organisme qu’elle dirigera qui pilote ce dossier. Puis il faudra lui conter, tout en mettant «les accents là où il le faut», les histoires derrière les mots «épingles à chapeau», «nous sommes, nous serons», «mon beau drapeau» et «l’avenir est à ceux qui luttent».

On aura tant de choses à lui dire, tant de joies et de peines à partager, tant de lieux à lui faire découvrir. Il faudra lui raconter tout ça à coeur ouvert, et accueillir elle et ses enfants à bras ouverts. Et qui sait? Ils nous trouveront peut-être beaux.

En ce 25 septembre, Journée des Franco-Ontariennes et Franco-Ontariens, bienvenue chez vous Catherine Briand. On aura tous une histoire à vous raconter.

Parce qu’on a toute une histoire à raconter.

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